Booba – Ultra : Autopsie d’une fin gâchée

Voilà désormais près d’un mois que Booba a sorti Ultra, son dernier album. Depuis, l’euphorie de la sortie est descendue et le projet quelque peu digéré. L’heure est enfin venue du bilan sur Ultra.

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Un duc essoufflé 

Booba est présent depuis plus de 20 ans sur le trône du rap francais. Chaque album pour lui est l’occasion de remettre sa ceinture en jeu à l’image d’un boxeur dans l’espoir de finir numéro 1 des ventes. Le Duc connaît parfaitement la recette afin d’y arriver. Mieux que quiconque, il a compris le streaming et sait manier les réseaux sociaux pour faire parler de lui. Le succès de tubes comme Petite fille, DKR, ou Jauné parle pour lui.

Cependant chaque victoire doit être aussi l’occasion d’une remise en question pour essayer de s’améliorer, mais il n’en est rien pour Booba qui s’amuse à faire du réchauffé depuis 2 ans. Les remises en question chez Elie Yaffa ont toujours été bénéfiques à l’image de l’album Lunatic sorti après le décevant mais innovant 0.9 et de Nero Nemesis sorti après le controversé D.U.C.  

“ Aux gens, l’unique chose qui leur importe, c’est de gagner. Et peu importe la manière(… ) Les éloges sont d’une hypocrisie absolue. (…) Quand tu gagnes, le message d’admiration est si confus, il te stimule à la fois l’amour-propre et te le déforme.

Marcelo Bielsa, entraîneur argentin de football.

La venue depuis 2015 de nouvelles têtes d’affiches comme SCH, Ninho, Jul n’a semble-t-il pas inquiété Booba. Plus que jamais, il ressemble aujourd’hui à un vieux roi aigri perché dans sa tour d’ivoire, sans que personne ne remette en cause son niveau régressant d’album en album depuis Nero Nemesis. 

Ces derniers singles en sont la preuve. Cavaliero, sorti en 2020 est un PGP en moins bien. Dolce Vita s’apparente à une pâle copie de Madrina sans Maes. Cerise sur le gâteau, une reprise de Barbie Girl devenue pour l’occasion Ratpi World. Jul faisait la même chose 5 ans auparavant avec ce tube des années 2000. Malgré une créativité en berne, Booba réussit quand même à obtenir des singles d’or ou des places numéro 1 pour des titres parfois indignes de sa carrière. Le résidant de Miami a de la chance de bénéficier d’une solide fan-base capable de le suivre aveuglément dans les bas-fonds de sa musique.

Un album pauvre en idées 

Plus de 3 ans après la sortie de Trône, son dernier album, Booba vient sonner le glas avec Ultra, le 5 mars. Ce nouveau projet de l’ancien MC de Time Bomb est parfaitement calibré pour l’époque en termes de durée et de direction artistique. Tout est fait pour que tout le monde y trouve son compte, afin d’être numéro 1 : le rap dur (GP, bonne journée, l’olivier, ultra, azerty, 5G), le piano-voix (dernière fois, je sais, grain de sablier), la mélodie (mona lisa, vvv). 

C’est l’équivalent de quelqu’un qui n’a pas envie de se mesurer à des gens à sa hauteur, et qui s’inscrit aux jeux paralympiques pour gagner la coupe ; mais qui en plus va être fier d’être numéro 1 mais bon qu’est ce que ça vaut artistiquement et musicalement ? Pas grand chose.

Yérim Sar, journaliste rap et cinéma à propos d’Ultra de Booba sur Mouv Radio

Sur Ultra, Booba semble être en manque de créativité. Il use tout le long des 41 minutes de son album d’un flow monotone qu’importe les instrus. Le son “Je sais “ est une reprise d’un de ses freestyles sortis en 2014 sur l’instru de Stay de Rihanna. Comme d’habitude depuis Madrina, son duo avec Maes demeure fade et oubliable. 

Cependant, le Duc montre encore qu’il a quelques fulgurances à l’image de la puissante intro GP et de l’excellent titre éponyme, Ultra. Les featurings sont la réelle bonne surprise du projet. Le rappeur de Boulogne a fait le pari de n’avoir que des jeunes artistes de son roster (SDM, Bramsito, Jsx, Dala, Elia) hormis Gato et Maes, une belle manière de passer le flambeau à la nouvelle génération. Pratiquement tous les feats sont réussis. Ils apportent un nouveau souffle dans le projet face au flow monotone de Booba. Dans des styles différents, SDM, Elia et Jsx seront des personnes à suivre dans les prochaines années.

L’euphorie de la sortie de l’album retombée, peu de choses sont sont restées musicalement. À vouloir seulement viser le top album, Booba s’est perdu, à ne pas faire d’Ultra un album pouvant être écouté sur la longueur. En à peine deux semaines, seuls 2 sons d’Ultra (Mona Lisa, 6e et VVV 48e) sont encore dans le top 50 spotify France. Alors oui, Booba a gagné son combat et a été numéro 1 mais Ultra reste à l’image du Booba de ces dernières années, assez fade artistiquement. Nero Nemesis, sorti en 2015 demeure le dernier bon projet de Boulbi.

Voir aussi : Le onze de … Booba #4

En difficulté face à une vraie concurrence (en chiffres) 

Comme pratiquement à chacune de ses sorties d’albums, le rappeur du 92i a obtenu logiquement la première place dans le top album. En 24h, Ultra a réalisé 9,2 millions d’écoutes sur la plateforme de streaming, Spotify. Cependant à titre de comparaison, des rappeurs comme Damso, Nekfeu, ou SCH très récemment ont réussi à atteindre plus de 11 millions d’écoutes sur la même durée. 

De plus, un rapport récent de la SNEP a relevé une augmentation de 27% d’abonnés sur les plateformes de streaming. Un chiffre qui a avantagé Booba vis à vis de certains de ses concurrents (Nekfeu, PNL, Ninho) ayant sorti leur album en 2019. Aux petits jeux des chiffres de vente et des comparaisons, Booba est loin derrière les nouvelles têtes d’affiches du rap français comme PNL, Nekfeu, Damso et même Ninho, l’artiste qui lui ressemble le plus dans cette volonté de faire du rap mainstream et des hits. 

Ultra n’est ni un mauvais album, ni un bon album. C’est un projet sans plus, mais clairement pas à la hauteur de ce qu’on attend d’un dernier album de Booba. Auparavant, l’ancien compère d’Ali donnait le las dans le rap game. Aujourd’hui, l’auditeur rap préfère opter pour des propositions plus originales à l’image des succès récents d’albums comme Deux Frères de PNL, JVLIUS de SCH, Trinity de Laylow, LMF de Freeze ou encore UMLA d’Alpha Wann. À la manière des bons vins, les projets cités précédemment se dégustent, s’apprécient sur un temps long. À contrario, Ultra ressemble plus à un fast-food, malgré un certain bon goût, l’estomac n’est jamais réellement rassasié à la fin du repas tout comme mes oreilles après une énième écoute de cet album. 

Ultra est le dernier opus de la longue carrière de Booba. Mais le Duc va rester dans la musique en sortant des singles et en produisant les artistes de son label. Ultra et Trône sont  les symboles d’un rappeur n’étant plus fait pour le format album depuis un certain temps. Son virage depuis Nero Nemesis est criant d’un homme ne viser que le top single, après avoir tant donné de classiques au rap français. Malgré une fin gâchée, merci pour tout Mr Elie Yaffa ! 

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