Fantin Zoo Records ” Le streaming est le Uber de la musique “

Rencontre avec Cyril, fondateur du label Fantin Zoo Records, un label de musique électronique visant à promouvoir des artistes émergents. Discussion autour de son histoire,  de ses artistes, de ses projets futurs et du streaming, etc…  

Notes Urbaines : Premièrement, pourrais-tu te présenter ?

Cyril : Je m’appelle Cyril, j’ai 30 ans. Il y a 10 ans, j’ai commencé dans le milieu de la musique à monter une boite de production où on faisait principalement du booking et de l’événementiel pour des DJs et groupes live. Je mixais aussi à l’époque dans plusieurs clubs parisiens. J’ai totalement arrêté pendant 7 ans parce qu’il fallait bien avoir une situation stable (rires) Maintenant avec le covid, je me suis remis dans le bain depuis le début du 1er confinement. 

N.U. : Quelles ont été tes premières rencontres avec la House ? 

C. : Tout simplement quand tu vis à Paris ! Je suis vraiment un titi parisien. Pour moi, la musique électronique y est omniprésente. Elle a su rassembler la jeunesse plus qu’un autre style. Après concernant la House quand tu creuses un peu, tu te rends vite compte que c’est beaucoup de jazz et de hip-hop, la recette reste toujours la même. Comme j’ai grandi avec ces deux styles musicaux étant enfant, c’est tout naturellement que j’ai rebondi vers la House.  

N.U. : Tu as évoqué ta première boîte de prod’, peux-tu nous en dire plus ? 

C : J’avais les deux : un label et une boite de prod, Bonjour Productions. Notre objectif était de faire de l’accompagnement d’artistes tout en les aidant à se professionnaliser. On s’est vite rendu compte qu’il y avait un plafond de verre pour certaines questions comme : Comment je me fais écouter ? Comment être programmé ? Comment je m’inscris à la SACEM ? Comment je distribue ma musique ?

On avait aussi ce petit bébé label House qui nous permettait de sortir quelques projets en digital et d’avoir des résidences au Maxim’s, au Batofar, au Rouge Pigalle, etc… Le seul regret reste le Rex, ce n’est jamais trop tard (rires)

N.U. : Depuis que t’es entré dans le monde de la musique électronique en tant qu’acteur et spectateur, quelles évolutions as-tu pu constater ? 

C : Quand je me suis remis dans la musique, j’ai vu qu’Instagram et Spotify ont énormément pris d’importance. Avant, le streaming ne valait pas grand chose, on n’avait pas cette logique de mettre des sons sur les plateformes afin de streamer et gagner de l’argent. On avait plus une approche liée aux évènements et à la sortie de vinyles. 

Maintenant c’est ouvert à tout le monde, il faut jouer avec les algorithmes. Un mec comme Bellaire a pu amener sa musique à une autre audience bien plus large grâce à Youtube. Auparavant ce genre de success stories n’était pas possible. Tu avais vraiment le schéma classique : rentrer dans un gros label – faire des warm-up dans des clubs. Aujourd’hui avec le digital, tu peux tout faire.

N.U. : Quelle est l’histoire autour de la création de Fantin Zoo Records ?

C : C’est une histoire d’opportunité. Quand j’ai repris la musique, j’ai vu que j’avais encore des vieilles démos qui faisaient l’affaire. Et quitte à sortir un EP, autant le faire dans les règles via un label plutôt qu’une simple auto-release. Au final cela revient au même mais l’histoire à raconter n’aurait pas été la même. (…) 

Le streaming est le Uber de la musique, dans le sens où beaucoup de gens critiquent le streaming, mais grâce à toute cette technologie, on permet à n’importe qui de distribuer sa musique au même titre que des maisons de disque comme Warner ou Capitol. Le fait de faciliter la tâche comme Uber peut le faire avec les chauffeurs, c’est normal qu’ils prennent des grosses commissions. Je vois plus le streaming comme un outil de notoriété pour les artistes. (…) 

Pour en revenir au label, il y avait ce besoin de notoriété et surtout un aspect marketing et pratique. Un label te donne aussi une certaine crédibilité. À sa création, j’ai ouvert un compte Instagram. J’ai reçu des démos, tout ça m’a permis de me remettre à niveau sur les tendances actuelles House. 

Avec les datas, en 3 clics, tu peux savoir si une personne est connue ou pas au-delà de la qualité artistique. En tant que label, c’est intéressant comment tu peux aider des DJs qui méritent plus de reconnaissance. 

N.U. : Quelle est la direction principale de ton label ? 

C. : L’idée du label est d’aider un artiste dans sa chambre à rencontrer son audience, de se sentir écouter. Mon approche est différente des autres labels.Pour l’instant, j’ai vraiment envie de faire découvrir des nouveaux artistes, plus que de construire une marque. 

À partir du moment où tu te lances, il faut quand même se fixer des objectifs. Surtout avec Spotify, tu peux réellement piloter ton audience. Il y aura une vraie réflexion à avoir lorsque les boîtes rouvriront, pour voir comment je peux aider les DJs à rencontrer leur public en live. Le but est qu’ils s’accomplissent artistiquement sans penser à la partie commerciale.

N.U. : Quels artistes composent ton label ?

C. : Pour l’instant, en dehors de mon projet personnel (Cywil), on a : 

  • Yesca, on a sorti Who Is She, un EP de 2 titres, ensemble en décembre dernier. Je l’ai repéré sur Instagram par hasard. J’ai aimé son investissement sur les réseaux sociaux et ses sorties sur les plateformes. Il avait 50 auditeurs par mois sur Spotify. Je lui ai dit : “ Fais-moi confiance, je m’occupe du mastering et je suis persuadé que je peux te faire exploser. ” On balance, il a maintenant un morceau à plus de 15 000 écoutes sur Spotify et c’est retrouvé pendant un bon moment avec 10 000 auditeurs mensuels. Derrière, ça lui a donné un engouement et une bonne impulsion pour sortir de nouveaux projets par la suite. 
  • Opprefish, on a sorti Road Together, un EP en février dernier. Pour la petite histoire, c’est un ami, on était en cours ensemble. Il s’est aussi remis à la musique pendant le confinement. Je l’ai embarqué dans l’aventure.
  • DJ Alone Again, on va sortir un EP fin avril. Ici encore, artiste découvert sur la toile. Il a un talent fou, il produit, il chante mais gagne terriblement encore à être connu.

Ensuite il y a 3 voire 4 autres EPs en cours de préparation à sortir d’ici 2022 mais gardons un peu de mystère !

N.U. : De quelles manières les accompagnes-tu ?

C. : Même si l’idée première est sur le plan business, progressivement, j’essaye d’avoir une démarche artistique. Actuellement, je travaille avec un artiste, mais ces intros sont trop longues, pour le commun des mortels de la House c’est normal cependant j’ai compris que les gens sur Spotify n’ont pas le temps. 80% des gens zappent si le son part pas. (…) 

T’as beau être un artiste underground ou autre, t’as forcément envie d’être connu afin de vivre ta passion. Aujourd’hui t’as besoin de faire du live, le stream ne rapporte pas assez. Mais il faut aussi qu’on te book, que le public ne se lasse pas de toi, pour toute cette logique là, c’est important d’être accompagné dans ce cas là quand tu es tout seul, ou que tu n’as pas cette sensibilité marketing. En parallèle je bosse dans un gros groupe marketing, je suis donc humblement convaincu de pouvoir aider.

La House, c’est simple c’est des loops mais il faut faire croire à l’auditeur que c’est simple sans l’être. Opprefish qui est dans un mood plus jazzy, je lui ai dit “ On sors quelque chose ensemble seulement si t’ajoutes un peu de soleil et des vocals (rires) “ J’essaie plus d’avoir un regard critique, ou une posture de DA (directeur artistique). Cependant, la vérité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain. Et en ce sens, je reste à ma place, s’ il y a débat avec l’artiste. Il doit être avant tout à l’aise avec sa musique.

Je dépense beaucoup d’argent dans les pubs sur les réseaux sociaux, mais je vois vraiment mon label comme un hobbie. Mon but n’est pas la rentabilité, même si sur certaines sorties, cela a été rentable. Il faut investir pour être connu ! Tu ne peux pas vouloir vendre sans te faire connaître. C’est important que les artistes avec qui je travaille, jouent le jeu sur les réseaux sociaux. Ça fait chier tout le monde (rires), je n’aime pas montrer ma gueule sur Instagram, mais faut jouer le jeu en tout point, sinon ça ne marchera pas. C’est comme en amour, tu ne tombes pas amoureux sans séduction.

N.U : Comment arrives-tu à avoir une cohérence musicale sur ton label ?  

C. : C’est plus une approche artistique qu’une identité musicale. Je n’ai pas envie d’être bloqué dans un sous-genre House. Ce que je dis généralement aux artistes que je contacte “ Il faut que ça soit authentique et assez atypique, limite que le son puise dans plusieurs genres. Envois-moi des démos que tu n’oserais pas envoyer à d’autres labels. ”

N.U. : Quels sont les liens que tu peux faire entre la House et la pop ? 

C. : Je vulgarise mais avant les seules émotions que t’avais avec de la musique techno : “ Tu prends ton taz, tu danses, c’est trop cool et voilà.” Comme le rap, la House a vocation à se professionnaliser. Ça tend vers la pop avec des lives, DJ sets, sessions d’écoutes d’albums comme a initié Sacré. C’est cool d’avoir plus qu’un esprit purement club, ce mix des genres est très cool.

Prochainement, je compte tester des formats avec un esprit pop dans le sens marketing, afin d’être écouté du plus grand nombre. La House tend vers cet esprit comme le font Myd et Ed Banger. Ces dernières années, il y a un côté très visuel qui s’est développé autour des vinyles et clips parfois de House, chose peu présente auparavant. Les formats aussi comme les albums avec une intro, des interludes, une outro. Tout ça, c’est pop dans l’esprit !

N.U. : Comment vis-tu la situation actuelle en tant que label et amateur de House ? 

C. : En tant que label je touche du bois, j’ai un vrai travail à côté avec lequel je gagne bien ma vie. Je ne suis pas trop touché par le covid. Je pense surtout à toutes les personnes dont c’est leur activité principale, pour qui ça doit être compliqué et déprimant. Aujourd’hui, j’ai une approche avec le label d’aider les gens à se développer, limite comme une association. Je n’ai pas envie d’avoir cette approche professionnelle avec comme objectif d’en vivre. 

En tant qu’amateur de House, actuellement c’est cool de voir des artistes prendre des risques. C’est compliqué pour un artiste qui fait de la Techno, la musique de club d’avoir la même authenticité dans sa musique boom-boom après 6 mois chez lui. Dans les dernières sorties, je vois un aspect pop avec des morceaux que tu peux écouter à la maison.

Après, en mode teuf, je n’ai pas d’avis. Si tu me rouvres les clubs ce samedi, je pense que je n’irais pas (rires) Ce n’est pas par peur du covid ou autre… Je pense qu’on va avoir des phénomènes assez étranges avec des gens qui voudront garder le côté grosse fête en appart’, ou d’autres qui seront solidaires des clubs, des petits DJs qui seront maintenant programmés en boîtes, etc… Je suis impatient de voir ce que ça va donner !

N.U. : Quels sont tes objectifs et projets pour 2021 ?

C. : Je vais tester un album pour début avril, d’avoir 3-4 releases d’ici la fin de l’année. Je pense rester dans le digital, mon but est vraiment d’avoir un rythme de croisière, de garder une cohérence. J’aime beaucoup le vinyle donc je vais probablement essayer de travailler avec des artistes pour en sortir, c’est juste une idée pour l’instant. L’important demeure avant tout que label profite à l’artiste, et non l’inverse. Le label est vraiment un outil de promotion. (…) En 2021, avoir de l’actualité est une névrose pour beaucoup d’artistes. 

N.U. : Notre site parle de sport, musique et de cinéma, pour la dernière question, pourrais-tu me donner un artiste du moment, un sportif et un film que tu apprécies ?  

C. : Pour la partie musique, pour rester dans l’esprit pop de notre échange, je vais dire Vayre, jeune artiste pop français, il vient de sortir son premier EP. vrai talent. Un sportif c’est mon côté PSG qui ressort, mais je vais te citer Marco Verratti. Et enfin le film, Donnie Darko avec Jake Gyllenhaal que j’ai revu récemment, c’est totalement barré !

Vues : 43