CNC : appel à projets pour les films de genre… promesse ou impasse ?

Alors que le film de genre, longtemps délaissé, tend à se démocratiser en France, les moyens de productions et les aides publiques tentent de s’adapter pour suivre cette évolution. Parmi ces aides, l’appel à projets de films de genres du CNC est apparu en 2018. Entre la volonté de faire émerger des projets novateurs et la stigmatisation de certain genre de films, il est pour le moment impossible de tirer des conclusions sur cette aide toute récente. On peut cependant se demander quelles limites et quels apports pourrait avoir cet appel à projets sur le panorama du cinéma français.

Le CNC (Centre Nationale du Cinéma et de l’image animée) est un organisme créé après guerre pour faire vivre et financer le cinéma Français. Véritable institution française, il finance énormément de films à travers plusieurs aides allant de l’écriture à la postproduction. Pour se financer il récupère son argent sur tous les billets de cinéma à travers une taxe de 10,72% par billet. Il prend cette taxe sur absolument tous les films de cinéma peu importe la nationalité, on peut donc dire d’une certaine manière que “Avengers” a aidé à financer “Petit paysan”. 

Ce CNC, donc, a mis en place depuis 2018 une aide pour le cinéma de genre. La notion de “genre” est un terme assez vague que peu de gens arrivent réellement à définir et qui pourtant est utilisé à tout va. Il évoque souvent dans l’imaginaire des gens les films d’horreur et d’épouvante mais nous pouvons y inclure bien d’autres styles cinématographiques tels que la comédie musicale ou encore le film policier, le western, etc…. Difficile donc de définir ce terme, nous nous contenterons de dire qu’il s’agit d’un cinéma qui vise un public de niche et s’oppose par sa spécificité au cinéma grand public et populaire.

Cette aide propose chaque année un thème – donc un genre – différent auquel les projets déposés doivent répondre. Un maximum de trois projets seront soutenus. Le montant plafond de l’aide est fixé à 500 000€ par projet.

La commission 2019 portait sur les comédies musicales. 3 projets, 3 réalisatrices/réalisateurs, Les frères Larrieu, Noémie Lvovsky, Serge Bozon. Ces noms ne sont pas forcément célèbres aux yeux du grand public mais jouissent déjà d’une certaine notoriété dans le monde du cinéma français, tous soutenus par des boîtes de production assez conséquentes notamment. Cette aide nous semblait être promise comme un renouveau ou plutôt un renouvellement des personnalités qui font notre cinéma, surement parce que faire du genre en France revient à se positionner à côté du “moule du cinéma français”. En 2019, ce n’est donc pas le cas mais lors de la première commission en 2018, la chance avait été donnée à des réalisateurs plus jeunes et moins expérimentés. Il est donc bien trop tôt pour tirer des conclusions sur cette aide qui, comme l’aide de l’avance sur recette (la commission phare du CNC avec la plus grosse aide), se repose essentiellement sur l’objet scénario du film pour la délibération. Or le film dit de genre se caractérise souvent par la domination de la mise en scène du film sur son écriture. Est-ce que cette aide, contrairement aux autres du CNC, se détachera-t-elle de l’accoutumance française à se baser sur le scénario ou laissera t-elle plus de liberté aux réalisateurs en se dissociant de cet héritage littéraire pour permettre l’émergence de nouveaux talents ? C’est une décision que devra prendre le CNC pour distinguer cette aide qui n’a visiblement pas encore trouvé sa vocation. Le choix du thème et des membres de la commission auront ici grande importance.

Nous serions donc tenté de nous dire que cette aide, bien que partant d’une bonne idée, pourrait avoir un effet négatif sur le genre. En le cloisonnant par des thèmes, en n’aidant que trois projet par an mais surtout en écartant implicitement le film de genre de l’avance sur recette. L’aide est trop récente pour répondre à ce questionnement mais il est vrai que l’on serait tenté de se dire que les films de genres, bénéficiaires d’une aide spécifique, n’auront plus besoin de passer par l’avance sur recette que tout le monde convoite. 

Difficile par ailleurs de faire la mauvaise langue sur une nouvelle aide, plus elles seront multiples plus nous pourrons avoir une diversité de cinématographies dans notre pays. Il faudrait que cette aide donne un nouvel élan au film de genre sans le cloisonner. Peut être le film de genre pourrait être inclus et plus mis en valeur dans les aides préexistantes ?

Les jurés sont sélectionnés car ils appartiennent à ce cinéma là et pourront peut être faire figure de mentors pour ses nouveaux groupes de cinéastes qui viendront présenter l’aide. Le tout c’est de ne pas construire de nouveaux groupes en opposition avec ceux déjà existant mais de venir les compléter.

Car c’est toute la problématique de cette aide, est-ce qu’elle complète ou est ce qu’elle sépare ce qui a déjà été construit ? Est ce qu’elle vient se placer en opposition à l’avance sur recettes – circuit “normal” – ou en complément ? Un début de réponse réside dans le fait que les deux aides ne sont pas cumulables, par conséquent c’est bien un tout autre chemin de production. Des murs sont montés entre les deux. Il s’agit cependant des mêmes personnes qui gèrent les deux aides (services des aides sélectives à la production et à la distribution), on est donc bien là au coeur du système du CNC. Des ponts se créent. En bref, cette aide va sûrement aider à faire apparaître les films de genre français en plus grand nombres et de manière plus légitime. Cependant il faudra faire attention à ce que ca ne mette pas le cinéma de genre à la marge, dans un circuit totalement différent car c’est quand les univers se croisent et se mélangent que de belles choses arrivent.

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