4 séries / films beaucoup trop cités dans le rap français #1

Rap et cinéma sont intimement liés depuis les années 80-90 en France et aux États-Unis. Dans leurs textes, les rappeurs évoquent, se comparent et font référence à de nombreux classiques du 7ème art. Cependant, à force certains films ou séries ont été trop cités. Découverte de 4 séries / films beaucoup trop cités dans le rap français. 

Gomorra

Dans son histoire, le rap français a toujours été influencé par l’Amérique mais au courant des années 2010, il a changé la focale en se tournant vers l’Afrique centrale avec l’émergence de l’afrotrap, et vers l’Europe notamment l’Italie via la série Gomorra. Cette série est une adaptation du livre éponyme de Roberto Saviano sur la mafia napolitaine, la Camorra. Créée en 2014, elle est ensuite diffusée en 2015 en France par Canal+. Dès lors, c’est le raz-de-marée. Le rap francophone s’en empare et s’attache aux aventures du clan Savastano.

Gomorra possède tous les ingrédients d’une bonne série pour les rappeurs : des personnages charismatiques (Pietro, Ciro, Gennaro, Conte), une relation fraternelle entre Ciro et Gennaro, une vie de quartier ultra réaliste (en Europe) à la Scampia, des règlements de compte et la vente de stupéfiants, etc… 

Les rappeurs français se réapproprient Gomorra d’abord par les visuels en tournant des clips directement à Naples, à la Scampia. Sadek, Lacrim, SCH et PNL se sont succédés dans cet exercice avec brio, notamment le duo des Tarterêts qui y a signé l’un de ces clips les plus iconiques : Le monde ou rien. Au même moment, SCH s’inspire aussi beaucoup de la série italienne dans l’esthétisme, dans le look proche de celui de Salvatore Conte. Le rappeur marseillais a également intitulé un morceau Gomorra ( “Gomorra (Bang bang) J’suis attendu chez toi comme Don Pietro “/ Gomorra) issu de son excellente mixtape A7. 

Suite à ces deux clips, tous les rappeurs y sont allés de leur petite punchline ou de leur son sur la série italienne. Généralement, elles tournent autour des mêmes sujets : Gennaro, Ciro, le deal et la violence. Lacrim (“ j’voudrais être immortel comme Ciro “ / L’Immortale), Di-meh ( “ mafieux comme Savastano “ / Automatique), Jul ( “ C’est la guerre comme Savastano et Salvatore Conte “ / Je suis marseille), DTFLa tess c’est devenu Gomorra ” (Wesh Igo), Ixzo ( “gérer le biz comme les Savastano ” / New Jack). 

“ Dans le rap, il y a la voyoucratie et la banlieue en plus. Pour ça, je me suis parfois inspiré des codes couleurs de Gomorra . “

Franck Gastambide, réalisateur de Gomorra pour le Figaro.

Gomorra a réellement marqué le rap français, désormais ses codes traversent la musique et sont transposés à la télévision dans des séries rap comme Validé. La série italienne a aussi reçu un bel accueil notamment dans le reste de l’Europe où d’autres artistes comme 23, rappeur suédois l’ont aussi cité dans leurs morceaux, preuve qu’il n’est pas toujours nécessaire pour les pays européens de regarder vers l’Amérique pour avoir des bonnes idées. 

La cité de Dieu

La cité de Dieu est un film brésilien réalisé par Fernando Meirelles et Kátia Lund. Sorti en 2002, il raconte sur plus de 10 ans l’histoire d’un quartier violent de Rio Janeiro, la cité de Dieu. Adoubé à sa sortie, le rap s’est rapidement approprié le long-métrage et ses thématiques autour des guerres de gang, de trahison et de trafic en tous genres.

Au-delà de son histoire, ce sont avant tout ses personnages qui sont restés dans les mémoires. Le plus célèbre d’entre eux : Zé Pequeno, un enfant turbulent puis un inarrêtable meurtrier, est de loin le plus cité de tous dans les morceaux de rap. Ne vivant que pour l’argent et le pouvoir, la liste des rappeurs qui l’ont mentionnée est presque infinie.

Plus respectable, le personnage de Manu le Coq a également été représenté, on pense notamment au son “MLC” de Niska featuring Booba sorti en 2016. 4 ans plus tard, Niska, visiblement fan de ce personnage, a également signé un morceau éponyme sur son album “Mr Sal”.

 Il y a également Béné, ce personnage un peu plus détente que les autres, très souvent cité, notamment dans le morceau phare de PNL. La liste est encore très longue, JUL, Hornet La Frappe, Passi, Youssoupha… Elle englobe l’univers rap dans son entièreté. Le narrateur du film par exemple, discret et armé de son appareil photo, porte le nom de Buscapé. Reste à savoir quel personnage n’a pas encore été emprunté ?

20 ans plus tard, le film continue de fasciner mais ses références rap tournent en boucle. Les prénoms emblématiques des personnages sont aussi bien utilisés dans des sons trap que zumba et certains rappeurs ont tendance à en abuser quitte à dénaturer l’œuvre originale, d’utiliser le nom d’un personnage dans un contexte qui ne lui correspond pas ou encore de lui donner de faux attributs… Comme le dit si bien Sadek “Te prends pas pour Zé Pequeno parce que t’es filmé par Booska-P“.

The Wire 

Malgré une influence des Etats-Unis de moins en moins présente dans le rap français qui prend de plus en plus son indépendance au fil des années, les séries de gangsters américaines cultes ont un impact toujours aussi puissant sur les rappeurs et leurs punchlines de nos jours.

Une des chaînes TV à qui l’on doit tout cela est la légendaire HBO, connue pour des séries de qualité comme OZ, Game of Thrones, True Detective, Les Sopranos, Westworld et tant d’autres pépites du petit écran. Mais l’une des séries ayant fasciné les rappeurs d’hier et d’aujourd’hui est la série The Wire, diffusée sur la chaîne de 2002 à 2008. 

The Wire, ou Sur Écoute en Français, est une série policière de 5 saisons créée par le réalisateur, journaliste d’investigation et écrivain David Simon, co-écrite avec Ed Burns, ancien officier de la brigade criminelle de la police de Baltimore reconverti en professeur en école publique.

Inspirée par leur propre expérience, cette série parle de la guerre qui fait rage à Baltimore entre la police et les trafics de stupéfiants, en se focalisant sur une institution de la ville par saison (les forces de l’ordre, l’organisation du port maritime, le système carcéral, le gouvernement municipal, l’éducation ou encore la presse écrite), tout en gardant des personnages principaux ainsi qu’une trame tout au long de la série. 

Cette série a tellement révolutionné la culture rap que les habitants des quartiers de Sevran l’ont rebaptisé “SE Wire”. Une ville à laquelle le rappeur Sale Époque rendra hommage, accompagné de DA Uzi, Kalash Criminel et Zefor. 

Encore un qui se fait fumer, on se croirait dans The Wire, Toute la cité Sur Écoute, on se croirait dans The Wire, Si y a la police, on shoote, on se croirait dans The Wire, Bibi la guedro la C, on se croirait dans the Wire” 

Kalash Criminel, SE WIRE

Si The Wire a inspiré autant de rappeurs, c’est pour son écriture et ses intrigues intelligentes et bien écrites, mais c’est avant tout grâce à des personnages emblématiques de la série : Avon Barksdale, Stringer Bell, Omar, Marlo Stanfield, Bodie Broadus et pleins d’autres encore. Allant de Booba, Despo Rutti et Médine à Freeze Corleone, Dinos, Alpha Wann ou encore Prince Waly.

“J’suis Marlo Stanfield ta mère la hyène t’es McNulty ” – Booba

“ Alors je serai assez subliminal pour que nos petits comprennent, que la Gauche, le Centre, la Droite, c’est la même, c’est comme le changement de couleur sur les capsules d’héroïne, pour mieux tromper les boloss, comme l’a fait Stringer Bell, mais au fond la dope reste de la merde” – Despo Rutti, Convictions suicidaires

J’crois qu’j’ai fait les choses à l’envers , J’ai vu The Wire à 37 ans, à 22 ans j’ai écrit “11 septembre”” – Médine, Tête à coeur

A la tête de l’organisation je me sens comme Marlo” – Freeze Corleone, Sacrifice de masse

J’fais confiance à personne, j’ai vu The Wire trois fois” – Dinos, XNXX

Nique le stress, spliff de zeb, Steven Seagal Stringer Bell” – Alpha Wann, Steven Seagal

Les maisons vaut mieux éviter, Le cimetière de Marlo everyday” – Prince Waly, Fayette Mafia Crew de Tengo John

HEAT

Vous avez sûrement entendu cette phrase dans le meilleur son du meilleur album de 2021 “On arrive genre Oceans 8, t’sais qu’on repart genre Heat”. En effet SCH nous raconte dans “Fournaise”, à travers son personnage de grand bandit, qu’en terme de braquage il a beau essayer de préparer ses plans, ceux-ci finissent souvent en boucherie.

La scène du braquage qui finit en fusillade dantesque est sans nul doute la meilleure et la plus culte des scènes du film “Heat”. Un extrait suffit pour comprendre comment elle a pu nourrir les personnages de bandits de nos rappeurs préférés.

“Heat” est un film de 1995 du grand réalisateur Michael Mann, si vous avez aimer “Heat” foncez voir “Collateral” du même auteur. Ce film raconte la confrontation entre le lieutenant Vincent Hanna joué par Al Pacino et le braqueur Neil McCauley interprété par Robert De Niro. Vous commencez à comprendre, nous sommes bien là face à une confrontation entre deux des plus grands acteurs du cinéma américain mais surtout entre deux des plus grands bandits du cinéma américain. Al Pacino est évidemment notre Tony Montana que l’on ne présente plus (“Scarface” étant évidemment le film le plus cité par les rappeurs nous avons décidé de ne pas le traiter) et Robert de Niro restera pour toujours un “Affranchis”. Cette confrontation légendaire est une aubaine pour nos rappeurs qui peuvent se donner à coeur joie au name dropping de nos deux stars.

J’suis De niro dans Heat sauf qu’à la fin j’pars sans la feumeu” Booba- Caramel

Comme De niro dans Heat on défouraille sur les barrages” Mac Tyer- Derka

Je suis sûr que rien qu’en lisant “comme De Niro dans Heat” une voix de rappeur résonne dans votre tête, preuve que cette formule a bien trop été utilisée. Finalement personne ne parle de Al Pacino dans “Heat” ce qui n’est pas si étonnant vu qu’il joue un flic. Ce qui m’a toujours paru étrange c’est que finalement cette confrontation est éclipsée par un homme, Val Kilmer. En effet autant cité, voire plus que De Niro par nos rappeurs pour ce film, pourtant niveau charisme on est quand même 8 crans en dessous au moins. Ma seule explication, son nom sonne très bien, des fois il n’en faut pas plus.

“J’suis sous ton balcon comme Val Kilmer” Booba-LVMH (effectivement Booba aime bien “Heat”)

Moi si j’srais dans Heat bah j’serais Val Kilmer” Mister You-Course Poursuite 2

Même en sortant du cadre de “Heat” il y’a définitivement trop de punchlines sur Val Kilmer.

La palme est comme toujours remise à Alpha Wann avec :
“Gucci, Prada boy, j’veux l’biff de Val Kilmer, s’ils croient qu’ils me valent, qu’ils meurent” Alpha wann et Freeze Corleone-Rap catéchisme

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