Vinyle #7 : Dinos – Imany

Après des années de galère, 3 albums et beaucoup de rééditions, Dinos est enfin devenu celui qu’il voulait être : une star du rap français. Avant Stamina et Taciturne, le MC avait lancé sa trilogie avec Imany, son premier album qui a été plusieurs fois repoussé pour finalement sortir au printemps 2018. Retour sur ce projet dans ce septième numéro de Vinyle. 

Imany, un album attendu

Les Rap Contenders ont vu passer bon nombre d’artistes de la nouvelle génération : L’Entourage avec les Nekfeu, Alpha Wann, Jazzy Bazz, Deen Burbigo, Guizmo mais aussi Dinos. Ce dernier arrive à rivaliser avec les meilleurs lors de ses passages et commence à être identifié par les amateurs du rap. Après les RC, il enchaîne en 2013 avec l’Alchimiste puis Apparences en 2014, deux EPs sortis chez le label Dej Jam. Le second EP reçoit plutôt un bon accueil grâce au titre Namek, premier tube du rappeur. À cette époque-là, Dinos s’appelle encore Dinos Punchlinovic. 

Le petit prodige du rap est attendu pour son premier album Imany, censé sortir en 2015. Cependant rien ne sort pendant longtemps, très longtemps à l’heure où la fréquence des sorties ne cesse de s’accélérer. Pendant 3 ans, le rappeur de la Courneuve jongle entre singles, remix sortis au compte goutte comme Juste minute ou Mode avion et reports d’album. Dinos expliquera par la suite que cette longue attente était dû à deux choses : des problèmes avec son label Dej Jam dirigé à l’époque par Benjamin Chulvanij (“J’me suis barré d’là où tu rêves de signer “ / Icerberg Slim) (“ Chulvanij disait que j’percerais pas parce que j’suis Youssoupha en moins fort “ / Booska Stamina ) et au fait de trouver son identité musicale. 

“ Quand je fais un projet, j’essaie de faire un squelette avec mon manager et on pense à comment apporter l’album, avec quel univers etc. L’idée a évolué au fil du temps parce que j’ai fait trois versions d’albums. ”

Dinos, à propos d’Imany, pour Yard

Le 8 décembre 2017, le MC des 4000 revient sur le devant de la scène avec Flashé, premier extrait d’Imany. Il s’appelle désormais Dinos, le Punchlinovic est passé aux oubliettes, signe d’un nouveau départ. Ce retour interpelle grâce à une nouvelle esthétique visuelle et sonore. Dinos a évolué avec le temps. Imany sort finalement le 27 avril 2018 après 3 ans d’attente. 

Crédit photo : Dinos / Fifou

Au revoir Dinos Punchlinovic, bonjour Dinos 

Dès la sortie de Flashé, le public a vu un nouveau Dinos. Cette première impression s’est finalement muée en une affirmation. Le jeune homme d’Apparences est devenu un homme sur Imany. Désormais, le rappeur aborde des sujets plus mûrs et puissants que le grec de sa tess’ ou les actrices X. 

Vers Imany : Imany, c’est la foi, La foi en Dieu, la foi en moi. La foi en ceux qui croient en moi, la foi en la vie. Tout ça à la fois, c’est Imany

Dinos, Vers Imany

Dans ce premier album, le natif de Douala met en avant son enfance difficile à la Courneuve dans Hiver 2004 “ Pourquoi mes parents n’ont pas trop d’argent ? Quand est-ce qu’on gagne ? On fait que perdre “, son rapport à la réussite dans Presque célèbre “ J’ai pas toute la vie. J’rassure ma banquière en disant que j’suis. Presque, presque, presque célèbre.“ Les deux autres thèmes majeurs d’Imany sont la foi et surtout l’amour. Dans Helsinki, Dinos se confie sur ses peines de coeur avec sincérité, preuve d’une maturité acquise.

Malgré une évolution notable, le rappeur de la Courneuve a gardé quelques défauts de son époque Punchlinovic avec quelques punchlines fades ou faciles comme “ Mais elle est pas là, pas là, pas là comme l’ex de Vianney ” dans Magenta ou encore “ le ciel est terne comme une station de la ligne 2 ” dans les Pleurs du mal. 

Crédit photo : Mouv’ / Dinos

Sur ce projet, il n’hésite pas non plus à faire de nombreux clins d’œil à ses anciennes chansons : Quelqu’un de bien est devenu Quelqu’un de mieux, à Lisa Ann dans Iceberg Slim en référence au morceau Buzz, le dernier couplet d’Helsinki est une référence aux sons Comme un dimanche et Namek, au Nike de Châtelet dans Argentique pour PAWG. 

Imany est le projet de la confirmation du talent entrevu quelques années plutôt. Avec ce premier projet, le rappeur franco-camerounais justifie de la plus belle des manières son absence. Entre il a réussi à trouver une identité, son identité. Ce premier projet demeure peut-être son meilleur projet jusqu’à aujourd’hui grâce à une réelle homogénéité dans la qualité des 17 morceaux. 

Un enfant du rap 

L’émission Rap Jeu du 15 octobre dernier a été l’occasion d’admirer la culture rapologique de Dinos, capable de citer en 1 min 30 près de 28 rappeurs new-yorkais. Le protégé d’Oumardinho est une véritable encyclopédie du rap. Il le prouve sur Imany en parsemant chacun de ses morceaux de références plus ou moins pointues. Et il commence dès l’intro en paraphrasant Jay-Z, un de ses rappeurs favoris avec le “ Facts only, everything real ”  devenu “ J’n’ai rien inventé, ce n’sont qu’des faits” et Booba, autre référence de Dinos “ Qui a dit qu’j’y arriverai pas, m’a pas cru, m’a pas aidé ? M’a pas cru, m’a pas aidé “.

Ensuite, c’est sur Bloody Mary, en duo avec Youssoupha, que Dinos prend la voix de Despo Rutti “ J’suis le best, des best, je vous baise dans vos chambres jusqu’aux roots. Wah, j’ai encore été pris par le jnoun de Despo Rutts “ puis parle du rappeur Mala “ J’ai compris qu’tout a une fin mais qu’au final, c’n’est pas si triste Quand j’ai vu que Mala n’était plus sur le tracklisting ”.

Dinos multiplie encore les références sur Les Pleurs du mal, à Baudelaire notamment avec le titre de la chanson, puis à deux autres poètes mais des temps modernes : Le Rat Luciano “ On a que notre art de rue comme Luciano “ et “ On cherche un job à plein temps, mais on en trouve que dans la rue. Car les agences nous comprennent pas et Busta Flex ne répond plus ”. Les Pleurs du mal est un pur morceau de rap comme les rappeurs en font très peu de nos jours. Sur ce titre, le rappeur délivre de vrais messages concernant la Françafrique, la religion et l’esclavage.  Avec Imany, Dinos a su acquérir un statut de lyriciste et de porteur de flambeau de la culture rap. 

Les prémices de la suite  

Avec ce premier album Dinos a planté les graines de ses futurs albums. Les thèmes abordés dessus comme celui de l’amour deviendront récurrents dans sa musique. Il aborde notamment le sujet sur Helsinki, seul véritable tube d’Imany. Dedans, le rappeur du 93 parle à la place de son ex, qui lui laisse un message sur son répondeur. Kendrick Lamar avait utilisé le même procédé dans le magnifique “ Sing About Me, I’m Dying Of Thirst “. Cette chanson tout comme Helsinki reprennent le même sample “ Use me “ de l’illustre Bill Withers.

En fait, c’est l’évolution de la déprime, du sevrage, la convalescence […] J’ai beaucoup trop d’ego pour avouer que c’est moi qui ressens ça. Donc je le fais passer pour le message d’une fille sur mon répondeur.” 

Dinos, Booska-P

Le lyriciste camerounais a su s’ouvrir à de nouvelles sonorités sur ce premier album : cloud sur Argentique et Flashé, estivale sur Havana & Malibu, et Magenta, un son en deux parties avec Sophistiqué. Sa musique est désormais plus mature, plus réfléchie. La progression s’entend réellement avec ces précédents EPs. Imany marque clairement le début d’une nouvelle aventure pour Dinos dans la musique.

Après la sortie d’Imany en avril 2018, Dinos enchaîne quelques mois plus tard avec une réédition pour continuer à promouvoir son album. Dedans, se trouve Placebo, le premier hit du pichichi. Grâce à ce morceau, il arrive à toucher un autre public, qui n’a cessé de croître jusqu’à faire de lui un des rappeurs les plus en vus de 2021. Il n’est le plus le “ rappeur préféré des journalistes ”. Aujourd’hui, Imany (Deluxe) est certifié disque d’or, une belle victoire pour un disque n’ayant reçu qu’un succès d’estime au départ.

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