Un retour de mode des EPs ?

Depuis le confinement l’industrie musicale souffre, plus d’albums physiques et assez étrangement une baisse drastique du nombre de streams. Les maisons de disque sont donc obligées d’adapter leurs stratégies et beaucoup d’albums ont été repoussés. Pour faire patienter les auditeurs, beaucoup ont optés pour un EP pré album. L’occasion pour ce format de faire son retour en force.

Avec l’arrivée du streaming on a vu une certaine tendance aux albums à rallonge et aux multiples rééditions pour comptabiliser un maximum de streams. Meilleur exemple qui illustre cet abus, l’album “Ceinture noire” de Maitre Gims composé de 40 titres et qui a eu droit à deux réédition pour un total de 56 titres soit 3h18 d’écoute. Mais dernièrement on voit un retour à des albums plus courts, sûrement car les artistes/maisons de disques ont senti la lassitude des auditeurs face à ses albums interminables. De l’autre côté de l’atlantique c’est Kanye West qui a réellement impulsé ce retour un format (très) court avec son été 2018 où il a décidé de ne sortir et produire que des albums de 7 titres (Pusha T, Kids see ghost etc…). On sait que le rappeur mégalomane a souvent un coup d’avance sur l’industrie du Hip Hop, est ce à nouveau le cas ? Devant la crise actuelle plusieurs rappeurs français ont décidé de revenir avec un format court sous forme d’EP, cela signe-t-il la fin des albums à rallonge ?

En attendant d’avoir la réponse, critiques des différents EPs sortis.

Rim’k – Midnight

crédit photo : mizikoos

Rim’k n’a plus rien à prouver, on n’attend plus un album de Rim’k on le reçoit. A partir de là il est difficile de digérer et de réécouter ses récents album quand ils font plus de 10 titres. Seuls quelques sons restent, comme sur son précédent projet avec le tube “Air max” et le single “Bonhomme de neige”. Il revient cette fois ci avec un EP de 5 titres, sûrement ces mêmes 5 titres que l’on aurait retenu si l’album en avait fait 20. Rim’k, après plus de 20 ans de carrière, a encore la fougue de la jeunesse (“prochain qui m’appelle l’ancien je vais lui dévisser la tête”), une force qui se voit surtout dans ses collaborations avec la jeune génération. 

Plus de la moitié des titres du projet sont des feats, et pas n’importe lesquels (SCH, Koba, Hamza, Dadju). Et la magie opère presque tout le temps lorsqu’il invite les nouvelles têtes d’affiche sur ses albums. Malgré le très bon “Valise” (spécialement le couplet de SCH) c’est le son avec Hamza qui ressort, leurs univers se mélangent parfaitement pour nous livrer un banger très rap US. Il conclut sur un “Rodéo” en solo cette fois ci avec un changement d’instru et de flows très efficace. Ça faisait longtemps qu’on avait pas autant eu envie de réécouter un album de Rim’k.

Alonzo – Pack de 6

crédit photo : genius

Un autre ancien du rap game qui arrive toujours à nous surprendre, Alonzo. Alonzo c’est Benjamin Button, plus il vieillit plus sa musique est jeune. Ses dernières années il nous a habitué à pondre de gros tubes souvent assez zumba, frôlant même parfois avec l’appellation “rappeur de chicha”. Mais personne n’a oublié que le rappeur marseillais est aussi un très bon lyriciste. Ses albums proposent souvent des panels de sons très diversifiés (de la zumba à la trap) tant et si bien qu’il est souvent difficile de les écouter en entier et de s’y retrouver dans tous les sons. 

Ici il a pris une direction beaucoup plus claire pour ce 6 titres dont il a fait une inventive promotion par un concert sur GTA V. Seul exception, le dernier son “Secteur”, un peu plus porté sur la mélodie, très bon tube qui arrive à rester dans la mesure. Pour le reste on est sur des sons raps très entraînants, surtout cet incroyable feat avec Niro (y’a t’il un mauvais feat avec niro ?), mais aussi ce refrain très efficace sur le son avec Leto. Le format court réussit à Alonzo qui s’éparpille moins et devient donc beaucoup plus efficace.

Leto – Virus : avant l’album

crédit photo : napster

Leto avait clairement prévu de sortir son premier album mais le coronavirus l’a contraint à repousser la date. On le comprend, après deux mixtapes “Trapstar” très prometteuses le rappeur est attendu au tournant avec cet album. Il nous livre un EP de 5 titres pour nous faire patienter. Le projet est assez inégal, avec des sons qui ressemblent clairement à des chutes d’albums (“changer de vie” et “mec de la rue”) mais aussi avec ce qu’il sait faire de mieux, cette trap qui lui colle à la peau sur “Drill papers”. 

Mais en réalité c’est sur les feats qu’il nous livre de vrais potentiels tubes. Difficile de faire un feat plus alléchant qu’un Leto, Ninho, Zed en 2020. Avec double binks les trois rappeurs sont en parfaite osmose, on en serait presque à réclamer un album en commun. Leto nous montre qu’il est devenu un rappeur de poids capable d’avoir des artistes de très gros calibres pour l’album (Booba notamment, d’après son manager). On attend donc cet album en espérant que cet EP aura eu pour vocation de l’épurer un peu pour écouter un album d’une dizaine de sons avec uniquement des titres forts.

Slimka – TUNNEL VISION PRELUDE

crédit photo : genius

Moins connu que ses compères Silmka devait lui aussi sortir un album et a été empêché par la crise sanitaire. Il sort donc un incroyable 9 titres en prélude de l’album éponyme. Le rappeur suisse est un habitué des projets assez courts, des projets coups de poings sans temps morts. Et autant dire que si ceci n’est que le prélude, l’album promet d’être incroyable. Car ce projet est d’une puissance et d’une originalité comme seul la scène suisse peut le faire aujourd’hui. Sa force reste son imprévisibilité tant dans son flow que dans ses mélodies. C’est la force du désordre, du surréalisme,  imprévisible, original, parfois sans queue ni tête (“Grand maigre”). Pour ce nouveau projet on sent une véritable amélioration en terme de production, que tout cela a été beaucoup plus travaillé, et l’album le sera surement encore plus. On peut parler de l’incroyable basse de “24k” ou encore de l’incompréhensible prod de “Ghetto”. 

Slimka est un homme qui joue collectif et encore une fois les feats sont très forts, ici pas de couplets envoyés par mail mais une vraie collaboration en studio. En ressort un titre west coast, “Meilleurs” avec la voix inimitable d’ Ike Ortiz. Et bien sûr une collaboration avec Di-Meh son compère de toujours sur une prod qui aurait fait plaisir à Dababy. Véritable bête de scène on a toujours envie de voir les titres en concert lorsque l’on découvre les projets de Slimka (et de toute sa clique) et encore une fois cela promet de beaux pogos.

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