Un nouveau marketing

Quel est le point commun entre PNL, Dinos et Vald. Ils ont tous les trois sortis un album en 2019, oui, mais avec une stratégie marketing presque similaire. Laquelle ? Créer plusieurs versions de leur album physique avec différents titres inédits non disponibles en streaming. 2 versions pour PNL déjà familiers de cette stratégie utilisée pour leur album Dans la légende, 3 pour Dinos visant surement plus de ventes que sur son premier album (« J’pensais qu’à 25 piges j’aurais déjà un disque d’or ») , 4 pour Vald le plus gourmand. Alors que révèlent ces nouvelles stratégies ? Génie marketing ou escroquerie ?

En 2019 nous n’attendons plus forcément la même chose de l’album en tant que forme artistique. Le streaming permet de faire évoluer les albums au fil du temps, de les compléter avec des versions Deluxe de plus en plus fréquentes. La question de l’album en tant que forme construite avec un début, un milieu et une fin peut donc être questionnée. Mais essayons de parler des albums suivants comme des oeuvres construites, avec une identitée musicale et une certaine trame.

PNL, dont les ventes n’ont rien à envier à personne, sont fort d’une fan base puissante construite à partir de leurs 3 précédents albums (dont déjà 2 classiques). Les versions physiques des albums de PNL se vendent mieux que celles de beaucoup de rappeurs (On peut se dire qu’acheter un CD danys l’air du tout accessible relève plus d’un soutien à l’artiste qu’autre chose).

Alors qu’ils avaient déjà utilisé cette stratégie pour leur précédent album ils avaient su attendre et laisser les sons en exclusivité pour le physique pendant 3 ans avant de les laisser à la disponibilité de tous. Pour cet album, en moins d’un an les titres furent disponibles en streaming. La durée de l’exclusivité se raccourcit peu à peu, ce qui questionne l’intérêt de ses exclusivités. Le vrai problème de ses nouveaux titres réside dans la déconstruction d’une fin d’album parfaitement construite. L’enchaînement somptueux des titres forts « Zoulou Tchaing » et « Déconnecté » et surtout « La misère est si belle », chanson idéale pour finir cet album, peut paraître gâchée par l’arrivée des titres inédits en fin de tracklist. Cet album est très bien construit, et c’est assez rare pour le souligner, mais les titres bonus ne semblent pas avoir leur place dans celui-ci (ou du moins pas à la fin).

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Autre album tout aussi élaboré, Taciturne de Dinos. Ici même constat, « Aurevoir » clôt magnifiquement l’album. Cependant on est heureux car ces titres exclusifs apparaissent comme parmi les plus réussis du projet (Mention spéciale à « Sagittaire »). Ils semblent avoir été pensés pour cet album et auraient pu s’intégrer dans cette tracklist. On a du mal à voir ici autre chose qu’un choix marketing pour atteindre le Graal du disque d’or (qu’il mérite amplement et qu’il méritait déjà pour Imany). Cependant on a du mal à en vouloir à Dinos qui a réalisé un vrai effort en proposant plusieurs pochettes différentes, des T-shirt et des réductions pour son concert, de quoi rendre attractif l’achat de ce CD. Et il fallait bien qu’il ajoute un peu plus que les titres inédits car il est difficile de réellement les qualifier comme tel, 2 mois plus tard les voilà déjà dans la version streaming. On entend presque Dinos nous rapper un proverbe à l’oreille « La patience mène à bien, la précipitation à rien ».

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En voilà un qui a bien tenu ses engagements c’est Vald. Les titres inédits ne sont toujours pas sortis et assez dur à trouver en ligne (il faudra aller un peu plus loin que sur You Tube). On peut surement justifier cela par une certaine gourmandise, 4 versions avec chacune un inédit. Pour les vrais fans ça commence à faire cher si on veut tout avoir. De plus il n’y a quasiment aucune différence entre les pochettes et encore une fois pas de relecture de l’album proposée par ces titres finaux. Mais il n’en reste pas moins un coup marketing très réussi, écoulement des stocks bien plus rapidement que prévu et ventes physiques démultipliées (12 000 exemplaires en préventes en seulement 5 jours). Il faut dire que Vald excelle dans l’art de la promotion, par des clips audacieux ainsi que des spots publicitaires aux 4 coins du monde (New York, Tokyo, Dubai…).

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En bref, cette technique de marketing démontre son efficacité  avec, à chaque fois, une hausse des ventes physiques assez importantes à une période où le CD peine à se réinventer et à se vendre. Cela donne une plus-value à l’achat en physique dont la place est à redéfinir. Seulement voilà, pour le moment les artistes ont trop tendance à en faire une simple opération marketing au détriment de l’aspect artistique que cela pourrait avoir. Pourquoi ne pas en profiter pour permettre à l’auditeur de voir l’album différemment, avec une fin différente par exemple (comme un double fond d’un tour de magie). Ou encore en plaçant les inédits à des endroits stratégiques et réfléchis de la tracklist voir en plaçant des skit qui meublent encore plus « l’histoire » de l’album (les skits n’étant pas destinés à être streamés). Ces trois grands du rap français mettent donc un pied dans le plat mais il est encore possible de pousser un peu plus loin cette formule pour renouveler la façon que l’on a de consommer la musique. 

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