Makala – Radio Suicide

La Suisse est un repère de jeunes talents en ce qui concerne le rap francophone, et l’album Radio Suicide de Makala en est une très belle preuve.

Cet album, sorti le 21 juin 2019, est le fruit d’une collaboration sur 21 titres (environ 1H10 d’écoute) entre le rappeur Makala, l’un des membres de la Superwak Clique avec les rappeurs Slimka et Di-Meh (formant les XTRM Boys), et du beatmaker Varnish La Piscine a.k.a Pink Flamingo (ces deux artistes sont membres du collectif Trapzik et forment le duo « Les frères de la piscine »). Ce binôme ne date pas d’hier avec 3 EP de Makala à leur actif (Gun Love Fiction, Varaignée partie 1 & 2, La Clef) et a toujours fonctionné avec complémentarité (On peut retrouver Makala dans les projets de Varnish la Piscine Escape (F+R Prelude) et Le Regard qui tue). Cependant, Radio Suicide marque un tournant dans la carrière de ces deux artistes.

Cet album ne pouvait pas mieux tomber en tant que prolongement de Gun Love Fiction (2017) qui peut être considéré comme leur projet phare bien que ce soit un EP trop court. Dans une époque où les projets courts sont privilégiés et qu’il est compliqué de garder l’attention de l’auditeur sur 21 titres pouvant tourner en rond, Big Daddy Mak et Pink Flamingo réussissent leur pari haut la main. Ils nous emmènent dans un road trip bourré de péripéties, avec aux commandes un Varnish qui nous fait part d’un bel éclectisme sonore. 

Chaque titre possède son propre univers (allant d’un bon morceau trap, avec Makala et Slimka dans King Pistol, à de la bonne musique reggae avec Brigitte Barbade) sans oublier le style qui prime étant le rap, s’inspirant fortement de Pharrell Williams et son groupe N.E.R.D , avec une utilisation maîtrisée du synthétiseur, ou encore de Tyler The Creator (on peut le remarquer dans le son Tante VV, dans lequel il sample une micro partie du son Pothole présent dans Flower Boy, sorti en 2017) mais sans jamais les copier et en gardant son style, propre à lui depuis ses premiers projets. 

Le tout appuyé dans chaque son par un étonnant Makala, déployant une arrogance de plus en plus prononcée et agréable à entendre (au fil de ses projets), comme on a pu le remarquer sur ses vidéos Instagram dans lesquels on peut le voir en compagnie de son frère de la piscine clamer avec véhémence devant une quinzaine de fans dans la rue qu’il est le meilleur et que son album est celui de l’année 2019. Mais on peut également attribuer à Makala sa progression en terme de chant et sa capacité à passer du rap au chant ou à utiliser les deux en même temps, accompagné de temps en temps par Varnish qui prête sa voix en chantant (parfois même en italien).

La puissance de cet album provient de deux sources : tout d’abord, cette transgression des codes du rap en mêlant plusieurs styles musicaux apporte une certaine profondeur au projet (on a l’impression d’ « écouter » un film) , ce qui rend ce projet accessible à tout le monde, quel que soit l’âge et les goûts (qui peuvent varier en fonction des titres de l’album). Et enfin le plus important est la complicité entre les frères de la Piscine, leur duo constituant leur véritable force : Certes, ils seront en mesure d’avoir chacun leur carrière solo, mais sont tellement complémentaires dans leur art qu’ils ne pourront jamais être très loin l’un de l’autre. 

Mentions spéciales aux sons suivants : Bankable, Goatier, Brigitte Barbade, Big Boy Mak, Liberty, McEnroe, Tante VV, Sad Boy

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