Interview : Verso – Amour Amertume

À l’occasion de la sortie de son dernier EP Amour Amertume sorti le 26 novembre dernier, rencontre avec Verso pour discuter autour de ce nouveau projet, de son label French Light Records et des valeurs qu’il véhicule par sa musique.

Notes Urbaines : Tout d’abord, pourrais-tu te présenter ? 

Verso : Je m’appelle Verso, j’ai 24 ans. Je fais de la musique professionnellement depuis 2019, mais entre-temps j’ai effectué une pause. Je reviens désormais avec mon nouveau projet qui s’intitule Amour Amertume. 

N.U. : Comment ont été tes débuts dans le rap ? 

V. : Ça a commencé en 2016 surtout via les open-mics au canal ou à Montparnasse. Pour ma génération, le rap se passait plus dehors avec les potes à l’époque. Par la suite, j’ai commencé à enregistrer mes premiers sons au studio que je balançais sur Soundcloud. Ensuite, j’ai travaillé dans des studios plus professionnels. J’ai enchainé sur mon premier EP Colère calme, premier concert puis premier festival. J’ai fait une pause pour des problèmes personnels et pour travailler sur ma musique afin de revenir plus fort avec les p’tits de mon label et un nouveau projet. 

N.U. : Peux-tu nous parler de ton projet Amour Amertume, qui vient tout juste de sortir le 26 novembre dernier ? 

V. : Amour Amertume est la continuité de Colère calme. On va plus en profondeur dans le sujet, en passant de la colère et du calme, deux sentiments primaires à l’amour et l’amertume qui sont des sentiments plus complexes. Le projet reste très introspectif, il parle beaucoup de moi mais a tout de même un côté universel. C’est un peu une recherche humaine afin de se comprendre dans ses paradoxes et ses actions. 

N.U. : Tu as travaillé pendant plus de 4 ans sur ce nouvel EP, expliques nous comment s’est déroulée sa confection ?

V. : J’ai dû faire au total 150 sons en 4 ans. J’ai travaillé dans beaucoup de studios dont le studio La maison où pose notamment Nelick, un en Autriche. Le projet s’est construit avec plein de rencontres, j’ai tenté de garder les titres qui me correspondaient le plus en termes de valeurs.

N.U. : Comment s’est faite cette connexion en Autriche ?  

V. : J’ai fait mon premier concert à l’Internationale pour la release party de Colère Calme. 3 mecs venant d’Autriche qui me suivaient depuis longtemps, y ont assisté et m’ont parlé à la fin du concert pour me proposer de taffer avec eux en Autriche. Sur le coup, je ne les avais pas pris au sérieux. Mais juste avant leur départ, on a discuté ensemble, le courant est super bien passé entre nous.

Pour moi feater c’est un moment de partage, dans n’importe quelle passion c’est un plaisir de la partager avec quelqu’un de bien et de bon.

J’ai finalement passé 10 jours au studio en Autriche avec eux à produire des sons. Au final, je suis sorti de cette résidence avec plus d’une dizaine de morceaux dont là-haut jamais et amour sur mon cœur qui font partie d’Amour Amertume. Le projet s’est aussi construit en parallèle du label. 

N.U. : Qui constitue ton label aujourd’hui ? 

V. : Dans le label, il y a 4 artistes officiellement lancés (dont moi) : 

  • Xabi, un rappeur sur lequel j’ai beaucoup travaillé depuis ses 17 ans. Son premier projet Benzo Part.1 arrive prochainement.
  • La femme en bleu, une chanteuse pop rn’b soul qui chante en anglais. Elle vient de sortir son premier single The Game et ça marche fort !
  • Ladam, qui a sorti son premier projet il y a peu. D’ailleurs je suis en feat sur le morceau Sentiments. J’ai fait toute la D.A et pour un projet d’un jeune de 19 ans j’en suis super fier ! En tout cas je l’ai sorti des type beats… (rire) 

On a aussi des artistes en développement mais surtout d’autres personnes dont on parle trop peu comme nos graphistes, nos managers, et nos ingénieurs sons qui gravitent autour du label. Ce cercle s’est effectué durant mes années d’artiste. On a réellement envie d’apporter nos valeurs via notre musique au plus grand monde possible. 

N.U. : Quelles sont les valeurs que vous essayez de véhiculer ? 

V. : On est un label assez rap donc on a des valeurs provenant de la rue. C’est très important de respecter les gens, d’être soudé entre nous. Il y a aussi la condition des femmes (violences, harcèlements), j’en parle dans beaucoup dans mes sons et on est très politiquement placé la dessus avec l’équipe (La femme en bleu comme Xabi) 

N.U. : Pourquoi as-tu voulu autant parler d’amour dans cet EP ? 

V. : Je ne parle pas forcément de relations amoureuses sauf dans Elle m’a touché. Je peux aussi parler d’un frère qui m’a aidé, des gens près de moi, ceux que j’appelle ma famille. Je penses que l’amour est un sentiment qui permet de rester en vie, donc quelque part c’est normal que la thème soit au centre du projet, mais il l’est aussi car c’est cette Amour avec un grand A qui peut mener aussi à l’amertume, puisqu’on n’aurait pas de mal-être ou de choses qui nous touchent si on ne donnait pas d’attention aux choses, aux Hommes. 

N.U. : Amour Amertume est un projet avec beaucoup de sonorités, quelle est la volonté derrière cette diversité ?

V. : Je trouve qu’il y a vraiment un fil conducteur, au niveau du texte, comme je savais déjà un peu le faire, mais surtout au niveau de la musique ; je n’ai pas travaillé le projet comme une mixtape. J’ai essayé de faire ce que mon coeur me disait avec les couleurs que je voyais, chaque son a sa couleur et c’est pour ça qu’il a sa place dedans.

Maintenant j’ai tellement rapper, je suis capable de faire ce qu’il faut là où il faut, le plus dur a été sur Amour Amertume d’avoir le fond et la forme en ayant une cohérence unique et introspective.

Un 7 titres c’est pas beaucoup, je voulais qu’ils soient tous différent. En me posant sur une prod je réfléchis surtout à la manière de raconter mon histoire. Le but était d’avoir vraiment un son différent. Proposer tout le temps les mêmes morceaux ne m’intéresse pas ou plus. 

N.U. : D’où viennent ces influences variées ? 

V. : Je pense que ça vient de ma situation sociale. Je viens d’une famille aisée et je suis allé à l’internat à 13 ans. Là-bas, j’y ai rencontré mon meilleur pote qui vient de Dammarie-les-Lys. Grâce à lui, j’ai vu un peu la rue et pu découvrir ses valeurs de respect entre les anciens et les jeunes. J’ai trouvé là dedans une seconde famille, ce qui m’a donné un spectre de fréquentations sociales assez large. Je peux traîner avec des gens du 16 comme du 93, mais je t’avoue que c’est plus dans les quartiers populaires que je me suis retrouvé (rires).

Je vois beaucoup d’égoïsme chez les gens qui en ont les moyens, c’est sûrement empirique etc mais j’ai du mal à être dans un 3 étoiles ou un 100m2 solo quand y’a des frères ou des sœurs qui sont dehors. Je pense que j’ai trouvé mes influences ou plutôt mon chemin dans les valeurs de mes proches. Niveau musique c’est très large mais la musique d’Amérique latine m’a bercé et me parles encore beaucoup. 

Crédit photo : Marcelline Roulleau

N.U. : Quels artistes t’ont récemment mis une claque musicale ? 

V. : C’est assez vaste ! Récemment j’ai ré- écouté The Blaze, accompagné de leurs visuels c’est toujours assez prenant mais j’écoute beaucoup de Niro depuis 5-6 ans. Je crois que c’est un peu mon numéro 1 (rires). En dehors de mes proches il y a aussi Youssoupha, Zamdane, et Poupie qui tournent dans mes playlists. Côté alternative j’aime énormément la chaîne Tiny desk qui comprend des artistes venant de tous genres musicaux. Parfois je ne connais pas les styles musicaux mais je kiffe de ouf ! Des belles découvertes. 

N.U. : Pour revenir un peu plus sur le projet, peux-tu nous parler du seul feat avec le groupe 313 ?

V. : 313 sont mes frères de cœur dans la vie et dans la musique. Amour amertume est un projet tellement important pour moi que j’avais besoin de n’avoir que la famille derrière. 

N.U. : Comment as-tu réussi à être autant productif en 2021 ? 

V. : Comme je te l’ai expliqué j’ai eu quelques galères depuis 2016, l’année de création de Colere Calme, donc j’ai pris des années pour régler des choses et tenter de me reconstruire, je t’avoue que la musique n’était plus ma priorité. Il n’y avait que le regret de ne pas crier haut et fort la misère que je voyais. Il fallait que je rencontre mes protégés (La femme en bleu et Xabi) pour reprendre la détermination de me lancer dans la music industry. Je suis passé en mode machine afin de décrocher un contrat pro pour le label FLR, j’ai donc envoyé sur Soundcloud près de 30 tracks en 7 mois. Fin 2020, j’ai posé sur le remix de Grand Paris 2 avec Médine, ensuite j’ai envoyé le feat universal Allemagne, Klubben. Après boom, j’ai balancé tout ce que j’avais : des feats avec Xabi et l’EP Émotions. Tout ceci m’a permis d’obtenir les contacts, la visibilité et l’argent pour produire et sortir Amour Amertume. 

Aujourd’hui, on est chez Modulor mais on est totalement libre de faire nos choix donc c’est compliqué de faire plus indé (rires). (…) Dans l’industrie de la musique, si tu fais 6 mois sans donner de signes de vie c’est fini et ça c’était en 2017, aujourd’hui il suffit d’un mois ! 

N.U. : Depuis que t’es ds le rap, tu enchaînes les feats avec des rappeurs allemands, Lord Esperanza, Nelick, pourquoi aimes-tu autant feater ? 

V. : Pour moi c’est un moment de partage, dans n’importe quelle passion c’est un plaisir de la partager avec quelqu’un de bien et de bon. Il y a aussi le fait que je n’ai jamais été en groupe, j’en ai souvent été proche mais je crois que j’ai toujours préféré rester solo et indépendant afin de ne pas faire de concession sur ma musique. Les feats compensent cela, cette absence de groupe. Je respecte énormément ceux qui travaillent en groupe, ça demande des compromis artistiques et humains. Mais pour ma part, s’il y a une connexion ou des valeurs communes, viens on fait kiffer les gens en créant une track lourde ! 

(…) Maintenant j’ai tellement rapper, je suis capable de faire ce qu’il faut là où il faut, le plus dur a été sur Amour Amertume d’avoir le fond et la forme en ayant une cohérence unique et introspective. Je ne sais pas si j’y suis arrivé, je pense que c’est le travail d’une vie pour un artiste mais en tout cas j’ai eu des retours profonds donc j’en suis fier 

N.U. : As-tu des projets futurs et comptes-tu défendre Amour Amertume sur la scène ? 

V. : Je pense qu’il y aura de la scène et du travail sur la production. Amour Amertume a été travaillé comme un dernier projet. Je dirais surtout aux gens d’aller écouter le projet et de suivre le mouvement du label, les artistes qui le composent diffusent des valeurs communes aux miennes. 

N.U. : Pour terminer, comme d’habitude la question Notes Urbaines avec un coup de cœur sport, cinéma et musique.

Musique : Millénale de Niro, c’est une de mes chansons préférées du moment ! 

Cinéma : Atypical, une belle série Netflix sur un enfant autiste. 

Sport : Sadio Mané qui vit assez simplement malgré un gros salaire de footballeur et qui construit des écoles, des puits d’eau etc pour améliorer les conditions de vie dans son pays. 

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