Interview : Tsuvo

Le 1er juillet, le rappeur et producteur Chess a dévoilé lors d’une release party au 6B à St-Denis le projet sur lequel il travaillait depuis des mois : Tsuvo, un studio mobile itinérant afin de pouvoir enregistrer des artistes à travers toute la France. Nous étions conviés à cet évènement et nous en avons profité pour poser quelques questions au Jeune Chess à propos de  ce nouveau projet. 

Notes Urbaines : Comment t’es venu l’idée du studio mobile ? 

Chess :  C’est la convergence de  deux éléments qui m’a amené à cette idée : 

  • Premièrement, lors de mon voyage au Liban il y à 2 ans, je tranais  avec des crew de graffeurs. Là-bas, il y avait une certaine communion entre les artistes et la population qui m’a beaucoup plu. 
  • Ensuite,, j’étais aussi dans une recherche personnelle afin de savoir ce que j’allais faire de ma vie tout simplement

Je voulais  mixer mes envies de voyage et de rencontres avec ma passion pour la musique. J’ai longuement réfléchi au format du projet, finalement cela a abouti sur la caravane pour plusieurs éléments techniques dont l’absence de moteur. 

N.U. : T’as déjà un studio dans une cave, quelles différences peux-tu ressentir entre ce dernier et le studio mobile ? 

C. : Le studio dans la cave a servi dès mon retour du Liban à me faire la main avant de débuter sur Tsuvo (nom du studio mobile). J’ai appliqué les tarifs les plus bas pour enregistrer tous les rappeurs de mon quartier, 17e et 18e vers Porte de St-Ouen. 

Tu as beaucoup de différences : l’absence de lumière, l’humidité, être enfumé lorsque les rappeurs fument, la répétitivité. Ce sont les inconvénients de travailler dans une cave. Au bout d’un moment, j’avais l’impression de faire tout le temps la même chose malgré que les rencontres changent et que des relations se créent. 

Travailler dans une cave m’a renforcé dans l’idée d’y sortir pour aller à la rencontre du public et des artistes. Beaucoup d’entre eux n’ont pas les moyens d’accéder à des studios avec du matériel de bonne qualité. L’idée est de faire bénéficier gratuitement les jeunes qui en ont besoin, notamment avec l’argent des subventions.  Pendant un an, avec l’asso LISACOOP, on a fait plus de 15 demandes de subventions pour financer le projet, tant sur du fonctionnement que l’investissement

À travers ce studio mobile, l’objectif est de créer surtout des moments de convivialité. On a commencé nos résidences il y a une semaine dans un quartier du 15e arrondissement, des gens de tout âge, des artistes ou non sont passés pour enregistrer. C’est ouvert à tous et à toutes ! L’objectif est aussi de faire découvrir des passions aux gens. 

N.U. : Comment s’est passée la conception du projet ? Quelles associations as-tu rencontré pour réaliser le Tsuvo ? 

C : Le président de l’association Lisa Coop (Lieux d’imagination sociale alternatif coopératif), Julien Henrique, un de mes anciens professeurs de la fac, m’avait déjà pris en stage en DUT. J’avais remarqué une vision sociale chez lui, et au retour du Liban, je lui ai expliqué mon idée. En 5 minutes, il m’a proposé un plan de mise en place sur deux ans. Il y a eu la partie où j’ai dû mettre de l’argent de côté pendant 6 mois, puis toute la partie demandes de subventions, prospection de partenariats avec des acteurs locaux pour pour mener les actions cet été…

Durant la conception du projet, j’ai eu beaucoup de remises en question. Je me demandais : “ Est-ce que je suis légitime à le faire ? , Est ce que le projet sera viable? Ou tout simplement “Est ce que les prises de son ne seront pas dégueulasses dans une caravane ?”. Finalement, je m’y suis mis à fond, j’avais trop parlé autour de moi du studio mobile pour abandonner. 

On a acheté une vieille caravane qu’on a entièrement retapé. Elle était dans un état déplorable, heureusement j’ai eu l’aide de soldats sûrs comme mes potes Skank et Otto sans qui le projet n’aurait jamais abouti. Le chantier participatif a été réalisé grâce à un doodle sur lesquels les gens pouvaient s’inscrire, beaucoup de monde est venu pouraider. Le chantier a été dur mais c’est une grande réussite,

Le chantier a duré 3 mois, on y était tous les jours de  8h30 jusqu’au soir au 6b à St-Denis. Au terme de ce chantier on a réussi à créer le Tsuvo. Je suis très reconnaissant envers le 6b et ses équipes,  l’accès à ce lieu m’a permis d’être serein  et d’avoir un accès à des outils professionnels. Tout seul t’es rien, ce studio mobile est l’aboutissement d’un travail d’équipe de fou.

N.U. : Comment vois-tu la suite pour le studio mobile ? 

C. : Pour moi, le projet est déjà réussi dans le sens où j’ai réussi à réunir du monde, à créer des connexions entre des gens qui ne se connaissaient pas autour de mon idée, et c’est exactement ce que je recherche avec cette initiative. 

Maintenant avec l’association Lisa Coop, on a contacté beaucoup d’acteurs sociaux locaux sur les territoires sur lesquels on va intervenir, ils  travaillent dans des maisons de quartier, des centres Paris Anim’, des centres sociaux…. On est booké pendant 8 semaines pour intervenir à Paris Intra-muros (12e, 19e, 14e, 15e), en banlieue (Ivry-sur-Seine) et aussi dans la ruralité (Les Molières).  Notre ambition est d’aller également dans les espaces ruraux. Il y a quand même beaucoup d’infrastructures culturelles dans les grandes villes, contrairement aux milieux ruraux où c’est un peu plus un désert culturel. 

On va aller dans des villages pour poser la caravane et essayer de faire la même chose que ce qu’on propose actuellement en région parisienne : c’est à dire c’est ateliers d’initiation aux nouveaux modes de production musicale, à l’enregistrement, au mix, des ateliers d’écriture…

À terme, l’objectif serait d’obtenir le statut d’intermittent du spectacle pour être plus serein financièrement avec le projet. J’aimerais aussi me déplacer à la rencontre d’artistes dont j’apprécie le travail pour collaborer avec eux. 

N.U. : Y-aura t-il des traces multimédias de toutes tes aventures dans ta caravane avec les artistes rencontrés ? 

C. : Il y a un an et demi, j’avais enregistré une mixtape : MPF paris Vol.1 (Mixtape Partout en France), une mixtape avec tous les rappeurs de Paris que je connaissais. À terme, l’idée est de faire des volumes en collaboration avec des artistes d’un peu partout en France. Par exemple Lyon vol.1, Marseille vol.1… J’ai envie de créer de vrais moments de musique et de partage, je pense que j’ai les outils pour le faire au mieux. Je me vois bien poser la caravane 1 ou 2 semaines dans une ville, rencontrer les artistes locaux et repartir avec un projet à présenter au public. 

Maintenant, au-delà de ces séries de mixtapes que j’ai envie de développer. On va bosser sur quelques visuels de notre côté pour présenter au mieux notre univers et celui des artistes avec qui on bossera, on réfléchit encore là-dessus afin d’arriver avec une vraie proposition.

La priorité aujourd’hui c’est d’être sur le terrain, de rencontrer les gens, de faire du son et surtout de se faire kiffer.

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