Interview : Jiro & L’Inco ” Ça fait longtemps ! “

Les projets communs reviennent à la mode ces derniers temps ! À l’occasion de la sortie le 16 avril dernier de leur EP Ça fait longtemps, discussion avec le duo Jiro & L’Inco autour de leur univers musical, leur amitié et la nostalgie. 

Notes Urbaines :  Tout d’abord, pourrais-tu te présenter ?  

Jiro & L’Inco : On est deux rappeurs du 15ème arrondissement de Paris, on se connait depuis le collège André Citroën pour ceux qui connaissent. Chacun a fait ses armes de son côté en freestylant avec nos potes respectifs, puis vers 2017-2018, on s’est reconnecté pour rapper ensemble. 

N.U. : Quels ont été vos débuts dans le rap ? 

J & L : On a commencé à peu près à la même période vers 2008-2009. Au collège quand on rappait, on était un peu des numéros. À partir du lycée, de plus en plus de monde se mettait à rapper. De son côté, à la même période, L’Inco a créé le studio La Rez Records, qui est plus tard devenu un label, beaucoup de personnes ont défilé là-bas pour freestyler. Vers 2015 il s’est aussi affilié au groupe Sortie de Secours originaire de Choisy-le-Roi (94) et ils ont commencé à travailler des projets ensemble.

(Jiro) J’avais aussi mon groupe La Matrice, qui a duré jusqu’en 2017 que j’avais démarré en 2012 malgré quelques pauses.

N.U. : Qu’est ce qui vous a poussé à prendre le micro ? 

J. : Nous avions réellement cette envie de nous exprimer, de dire des choses . En plus, on est issu du 15ème qui est un quartier multiculturel. Il y a de tout pour l’inspiration . 

L : C’est de voir des plus grands rapper au quartier aussi, quand ça passe des grandes soirées dehors y’a pas grand-chose à faire et c’est une bonne occupation de freestyler, donc ça vient de là en partie. Pour ma part ça me faisait passer le temps en classe aussi, c’est là que j’écrivais mes premiers textes. Et puis c’est l’intérêt pour les sonorités, les rimes, les flows, comprendre ce que c’est que de bien rapper, c’est tout une science à décrypter et c’est passionnant.

Crédit photo : Jiro & L’Inco

N.U : Quels ont été les premiers retours que vous avez eu sur le projet ? 

J & L : Ils ont été très positifs pour l’instant. On a eu aussi des retours qui sortent de notre cercle puisqu’on a réussi à être partagés sur la chaîne BFM Paris. Ça fait plaisir puisque cet EP est un travail de longue haleine, qui a duré environ 2 ans, entre temps L’Inco avait ses projets avec la SDS (Sortie de Secours). 

On a bossé ce projet pour qu’il s’inscrive dans le temps, en essayant d’avoir une identité sonore actuelle sans pour autant rentrer dans les tendances du moment. Cet EP a permis de concilier deux publics : les personnes vraiment attachées aux textes et ceux appréciant les mélodies. 

N.U. : Comment avez-vous travaillé le projet ? 

J & L : C’est simple et c’est compliqué (rires) ! On est assez complémentaires, lui est plus introverti et moi plus social. Sur un titre, je vais souvent lancer une mélodie et il va suivre. Niveau lyrics, L’Inco est une des personnes les plus talentueuses que je connaisse, donc ça pousse forcément à se dépasser. (…) 

On a notre propre studio, au fur du temps, le matériel s’est amélioré grâce à nos investissements. L’Inco est quelqu’un d’assez rigoureux, ensemble on se prend la tête à refaire plusieurs prises, tout en se laissant du temps pour réfléchir sur les détails. 

N.U. : Vous avez réalisé ce projet en totale indépendance, quelles ont été les difficultés à lier cela ? 

J & L : Le projet représente pas mal d’investissement financier et de temps. On a été assez concis avec 9 titres qui sont réellement bien travaillés, je trouve. Au niveau de la production, on paye nos prods, nos mixs et nos masters. Personne vient topliner pour nos mélodies, tout ceci prend du temps. 

Pour l’aspect communication, promotion et DA (direction artistique), on fait tout nous même, on a réfléchi aux idées de cartouches de GameBoy pour le feed Instagram et de posters en dégradé pour la cover. Je remercie encore notre graphiste Balik pour les travaux ! J’espère que ça portera ses fruits à l’avenir, même dans une carrière hors rap, puisqu’avec un budget 5x,10x, 20x inférieur à celui des labels, on a réussi à produire quelque chose de très qualitatif. 

Durant ce projet, chacun a dû avoir plusieurs casquettes, on s’est vraiment démenés pour proposer un beau rendu.  

Crédit photo : Jiro & L’Inco

N.U. : Dans votre projet, le thème de la nostalgie est assez récurrent dans les textes et les prods, est-ce un réel parti pris ? 

J & L : C’est venu tout seul. On est un peu deux faux littéraires dans l’âme (rires). Ensemble, on parle souvent du temps. Ça fait longtemps qu’on se connaît, de plus on enregistre à la Rez, studio situé dans le quartier de notre enfance. On est deux gamins de la génération 90, on rappe depuis nos 15-16 ans. Dans nos textes, on parle de nos désillusions d’adolescents en vrai. 

De base, le projet devait faire 4 titres, mais entretemps, il y a eu des changements, ça nous a laissé plus de temps pour terminer l’EP. Concernant le titre, il est venu naturellement. Pour le thème de la nostalgie, rien n’est calculé mais on essaye quand même de s’aligner sur les textes de l’autre. Et ce sont les souvenirs du collège, du temps qui passe, qui revenaient souvent. 

N.U. : Quelle est l’explication du gimmick « Ça fait longtemps » ? 

J & L : En fait c’est la vie, c’est le gimmick qui nous ressemble le plus. T’as souvent cette phrase quand tu croises un pote que tu n’as pas vu depuis longtemps. Cette expression traduit les souvenirs d’enfance.

N.U. : On a vu sur ce projet que Jiro tu réalisais beaucoup de refrains chantés, peux-tu nous parler plus de cette expérience ? 

J. : Le chant coïncide avec mes débuts dans le rap vers 2008-2009. Petit, j’aimais bien chantonner à la maison, en plus je suis issu d’une famille de congolais et de camerounais donc la musique est très présente chez nous. À cette époque, il y avait le début de l’autotune avec les Kanye West, Lil Wayne, T-Pain, et très tôt j’ai réalisé que je devais chanter et rapper, cependant je n’étais pas encore prêt pour le faire par timidité ou manque de confiance. 

Pour moi, aujourd’hui, rapper c’est être complet (textes, chants, flow, technique, refrains, mélodies). J’aime bien quand les couplets sont bien piquants, et t’adoucis le truc au refrain avec une petite mélodie. C’est un peu comme un fondant au chocolat (rires) 

N.U. : Et en France ou aux États-Unis, quels rappeurs représenteraient le mieux cette métaphore par rapport au fondant au chocolat ? 

J. :  Dans le rap francais, je ne vais pas être original mais Damso a vraiment cette palette de rap dur dans les couplets et de refrains chantés entraînants. Il l’a prouvé sur Macarena, en faisant découvrir sa musique à un tout autre public. J’ai l’impression qu’ils sont plusieurs dans sa tête. Aux States, t’as aussi 50 Cent, dans ce délire chant / rap mais ça fait longtemps (rires) !  

N.U. : Quels sont les futurs projets à attendre de votre duo ?  

J & L : Pour L’Inco, son groupe Sortie de Secours va prochainement sortir quelques singles. 

De mon côté, je vais aussi proposer des solos vers le début de l’année 2022. Ensemble, on continuera sûrement de sortir des sons par-ci par-là, ça se fera au feeling.

N.U. : Pour finir pourriez-vous me donner respectivement vos coups de cœur sport, cinéma, musique du moment ? 

J : Ciné : Je te dirais Tenet, le film de Christopher Nolan, il y a un rapport avec le temps donc on est encore dans le thème de l’EP (rires). 

Sport : L’AC Milan, puisque ça fait longtemps qu’ils ne s’étaient pas qualifiés en Ligue des Champions. 

Musique : La SDS (Sortie de Secours), le groupe de L’Inco, ils ont sorti deux projets en deux ans : Datoum Vol.1 et Datoum Vol.2. Ils méritent vraiment plus de promo. 

L : Ciné : Les chasses du Comte Zaroff, un classique de 1932.

Sport : Le retour de Karim Benzema en équipe de France, ça fait longtemps!

Musique : L’incroyable Ghost Dog Tape Vol.1 de Zeka qui sortira peut-être en 2022, si Dieu veut, et le morceau Jet Pack de Mak Jak qui est dispo partout.

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