Giroud : Les hommes mentent, les chiffres aussi

Dans Zoo, le rappeur Kaaris disait “ Les hommes mentent, mais pas les chiffres”, comme si la logique implacable des chiffres ne pouvait pas être remise en cause. Cependant en football, les stats ne sont pas le seul juge de paix pour évaluer la valeur d’un joueur. En prenant  le cas d’Olivier Giroud en Équipe de France, devenu en 2020 le deuxième buteur de la sélection tricolore avec 44 buts devant Michel Platini, on va voir si l’actuel attaquant de Chelsea est réellement un grand buteur dans l’histoire des Bleus comme les chiffres aiment nous le faire croire.

Un marqueur de buts

Avec son 1 mètre 93 et ses  88 kilos, Olivier Giroud aurait pu être un excellent meneur de jeu en NBA, mais il a décidé de devenir un grand footballeur. Dans une époque laissant la part belle aux joueurs explosifs, fins physiquement et techniquement, le numéro 9 des Bleus a tout de même su tirer son épingle du jeu en s’imposant dans presque tous les clubs où il est passé. Champion de France et meilleur buteur de Ligue 1 avec 21 buts lors de la saison 2011/2012 avec Montpellier, buteur confirmé en Angleterre tout d’abord à Arsenal (2012-2018) puis à Chelsea malgré des difficultés, Giroud a toujours marqué, pour un total de 227 buts en plus de 15 saisons professionnelles. 

En équipe de France, l’ancien Gunner arrive à faire son trou progressivement après sa première sélection en 2011. Régulièrement sélectionné, il fait partie intégrante des cadres de Deschamps. Giroud résiste aux tempêtes médiatiques liées à la non-sélection de Benzema à l’Euro 2016 et aux critiques du public. L’attaquant français prouve qu’il a sa place en étant un solide lieutenant auprès d’Antoine Griezmann lors du dernier championnat d’Europe. En point d’appui, le numéro 9 occupe les défenses et libère des espaces pour ses coéquipiers à la Coupe du Monde 2018 sans marquer le moindre buts. Toutefois il arrive à montrer son utilité par un grand dévouement pour le collectif. Auréolé d’un statut de champion du monde, Giroud reste indéboulonnable en pointe de l’attaque des Bleus malgré un temps de jeu s’amoindrissant du côté de Chelsea. Le Blues continue d’enchaîner les buts en sélection jusqu’à gravir les échelons dans le classement des buteurs et ainsi se retrouver à seulement 7 buts du record de Thierry Henry.

Classement des meilleurs buteurs de l’EDF (au 5/12/2020)

Dis moi contre qui tu marques, je te dirais qui tu es

En 105 sélections, Olivier Giroud a marqué à 44 reprises pour un ratio de 0,42 but/match. À titre de comparaison, les 4 autres meilleurs buteurs des Bleus possèdent un ratio de 0,41 but/match pour Thierry Henry, de 0,72 pour Platini , 0,48 pour Trezeguet  et 0,38 pour Griezmann. Cependant le réel problème ne se trouve pas dans la fréquence de ses buts mais plutôt dans leur importance. Plus de la moitié de ses buts (24) ont été inscrits durant des matchs amicaux. Parmi ses 24 buts, seulement 6 ont été marqués contre des adversaires d’un certain calibre comme l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Italie ou l’Uruguay. Certes la France a globalement joué des nations plus faibles qu’elle sur le papier, mais lorsqu’elle affrontait des équipes du même acabit (Brésil, Portugal, Espagne) , Giroud disparaissait souvent du terrain et était muet devant la cage. Problème d’une tactique trop frileuse de Deschamps ou d’une certaine limite du joueur au très haut niveau ? 

Les grands footballeurs se révèlent lors des grandes compétitions et des matchs à enjeux. Dans sa carrière en bleu, Olivier Giroud a disputé un total de 21 matchs en compétition internationale (12 en Coupe du Monde, 9 à l’Euro) avec seulement à la clé 4 buts et un ratio 0,19 but/match. Ces différents buts ont été respectivement inscrits lors d’1 but à la Coupe du Monde 2014 contre la Suisse et 3 buts à l’Euro (1 contre la Roumanie en poule et un doublé en ¼ contre l’Islande). Encore une fois avec Giroud quand le niveau s’élève en termes d’adversaires ou de compétitivité, il a tendance à disparaître. Le meilleur exemple reste son mutisme durant toute la Coupe du Monde 2018. Parfois maladroit devant la cage, le numéro 9 français n’en demeure pas moins utile pour son équipe, mais ne pas marquer un seul but durant toute une compétition est un comble pour le deuxième buteur de l’histoire des Bleus.

Giroud n’apparaît ni dans le top 5 des meilleurs scoreurs français en Coupe du Monde, ni de l’Euro. Seuls ses buts (12) en éliminatoires de compétition internationale lui permettent de gonfler un peu ses stats. Un chiffre à mettre en perspective vu la faiblesse des adversaires, hormis l’Espagne, contre lesquels il a marqué (Albanie, Islande, Moldavie, Georgie, Luxembourg, etc…). 

Dans l’histoire ? 

Pour réellement s’affirmer comme un buteur de renom, inscrire des buts dans les grandes compétitions semble obligatoire. Olivier Giroud n’a pas franchement coché cette case, à contrario des 4 autres meilleurs buteurs français en sélection (Thierry Henry, Platini, Griezmann ou Trezeguet). Cependant grâce à un nombre élevé de buts contre des équipes assez faibles et en matchs amicaux, l’ancien attaquant de Montpellier se situe à la deuxième place du classement des buteurs de l’équipe de France. Il profite du système actuel avec la démultiplication des matchs amicaux pour les sélections et des qualifications peu relevées pour l’Euro (désormais à 24, autrefois à 16 équipes entre 1996-2012) et la Coupe du Monde pour les grandes nations du foot.

La disparition de réels numéros 9 a déplacé la responsabilité des buts au profit d’autres joueurs dont des ailiers comme Mbappé, Salah, Mané ou de 9 ½ comme Messi, Lautaro Martinez.  « On a encore cet imaginaire du 9 tueur devant les buts, du 9 qui est une machine à marquer, du 9 qui est le meilleur buteur de son équipe et qui la sauve fréquemment » comme le souligne le journaliste Elias Baillif. En équipe de France, et surtout à la Coupe du Monde, Mbappé et Griezmann étaient chargés de créer et conclure les actions. Dans cette équation, le rôle de Giroud n’était que d’occuper les défenses et de libérer des espaces pour ses coéquipiers.

Désormais les 9 ne sont plus ceux qui font gagner les rencontres, ils doivent parfois se mettre en retrait pour laisser briller les autres. « Si son équipe lui demande des choses qu’il peut faire, c’est un bon 9. Si on demande à Giroud d’apparaître dans les petits espaces, de se retourner, de mener les contre-attaques, d’attaquer de grands espaces, il ne sera pas à l’aise. En revanche, si on lui demande de jouer en pivot, de fixer les centraux, de déclencher le pressing, il sera adapté. […] Dans certains contextes Giroud pourra être bon […] dans d’autres il sera très difficile qu’il brille. » comme l’explique Elias Baillif.

Pour mieux comprendre le rôle de Giroud en Équipe de France

Olivier Giroud rentrera sans contestation dans l’histoire des Bleus par sa carrière, sa longévité, ses buts ; mais quand il faudra évoquer le parcours en équipe de France du natif de Chambéry, il lui manquera ce petit plus que possèdent les grands joueurs ayant marqué leur époque : être là dans les moments clefs, faire gagner son équipe, etc…

Cependant malgré ses carences, l’ex-buteur montpelliérain aura été à sa manière un joueur important du mandat du sélectionneur Deschamps. Il a su s’imposer au fil du temps et être un titulaire indiscutable d’une équipe championne du monde. Suffisant pour se faire une place dans les livres d’histoire du football français…

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