Équipe de France : Déjà en vacances

Qui aurait cru que l’Équipe de France, championne du monde en titre, soit déjà en vacances dès le 28 juin 2021 après un huitième de finale perdu contre la Suisse, à vrai dire personne. Durant l’Euro 2020, la bande à Deschamps n’a pas tenu son rang de favorite. Explications de cette déroute des Bleus. 

Une incompréhension tactique 

Le temps est une denrée rare, et encore plus en football où tout va toujours plus vite. Depuis son arrivée en 2012 à la tête des Bleus, Didier Deschamps a eu le temps de donner un style de jeu à son équipe, mais il n’en a rien fait préférant conserver le style l’ayant couronné en 2018. 

Cependant, depuis la victoire en Russie, les Bleus n’ont convaincu que par intermittence avec différentes formules sans jamais avoir trouvé la bonne. À l’Euro 2020, la France débarque avec de nombreuses interrogations : le 4-4-2 losange / 4-3-3 rodé pendant les deux matchs amicaux est-il fiable ? Quelles seront les compensations à faire pour garder un équilibre défensif ? 

Ce manque de repères rend les champions du monde assez fébriles en défense durant les matchs de poules malgré un match sérieux contre l’Allemagne gagné 1-0. Pendant la première phase de la compétition, Didier Deschamps change beaucoup de systèmes. 4-4-2 losange contre l’Allemagne. 4-2-3-1 avec Tolisso en milieu droit, pas à son poste contre la Hongrie. 4-3-3 contre le Portugal. Le sélectionneur tâtonne. Le pressing des Bleus à la perte du ballon est poreux. Heureusement que certaines individualités sont au rendez-vous comme Pogba, Benzema et Griezmann pour faire réagir l’équipe dans les situations difficiles. 

Crédit photo : Benzema et Pogba / Football 365

Le bateau coule en Suisse

” Le bon entraîneur est celui qui fait le moins de dégâts. ”

Massimiliano Allegri, entraîneur de la Juventus.

Ce tâtonnement tactique atteint son climax lors du huitièmes de finale contre la Suisse. Privé de ses deux latéraux gauches Digne et Hernandez à cause de blessures, DD choisit d’opter pour un 3-5-2 sans avoir de spécialiste, et titularise Lenglet en tant que troisième central et Rabiot en piston gauche. Surtout que le défenseur de Barcelone n’a pas joué depuis un mois et vient de vivre une saison très compliquée selon ses dires “ J’ai vécu le pire moment de ma carrière, mais j’ai eu parfois la sensation que le sort s’acharnait sur moi.

Pendant près de 35 minutes, l’équipe de France coule. Les joueurs ne semblent avoir aucun repère sur le terrain, ils sont acculés par les Suisses. La Nati mène 1-0 suite à une tête de Seferovic. Passage en 4-4-2 losange avec Kimpembe latéral gauche, puis en 4-4-2 après la pause avec le changement Coman pour Lenglet. 3 systèmes en 46 minutes ! Grâce à un penalty arrêté de Lloris et un doublé de Benzema, les Bleus reprennent leur marche en avant. Pogba enfonce le clou avec une frappe spectaculaire. 

Cependant la France perd son avance dans les 10 dernières minutes. Deschamps n’arrange pas les choses en sortant Griezmann pour Sissoko en tentant de conserver le score. 

« Didier Deschamps a eu tort. Avant une éventuelle prolongation, vous ne pouvez pas changer Griezmann à la 89e. À la fin, vous allez en prolongation et vous vous tirez une balle dans le pied parce que vous l’avez remplacé à la dernière minute. Cela servira d’expérience. »

José Mourinho, au micro de TalkSport

Les prolongations ne sont que la continuité des mauvais choix du coach français en ne sortant pas un Mbappé cramé et en s’embrouillant avec Coman qui refusait de sortir. 

Une défense friable 

En 2018, la défense était l’une des forces de l’équipe de France, caractérisée par Matuidi en milieu gauche et une charnière centrale impériale Varane-Umtiti. Depuis, les hommes ne sont plus là. Kimpembe a pris la place du catalan, et Rabiot celle de l’ancien Turinois. Difficile d’obtenir le même résultat avec des joueurs différents. 

Il est possible qu’en faisant la même chose, on arrive au même résultat. Mais on peut aussi ne pas y arriver. C’est pour cela aussi que j’ai pris des options différentes à l’automne dernier avec des associations différentes, au cas où...”

Didier Deschamps

Durant l’Euro, la défense a régulièrement été mise à mal, hormis contre l’Allemagne seul clean sheet pour l’arrière-garde française de la compétition. La plupart des buts encaissés lors du championnat d’Europe viennent d’erreurs individuelles : Pavard (placement) fautif contre la Hongrie, Lloris (faute dangereuse) et Koundé (main) contre le Portugal, Lenglet (passivité) Kimpembe et Varane (placement) contre la Suisse. Cette fragilité défensive a aussi été aidée par les choix tactiques incompréhensibles de Didier Deschamps. 

Jamais la France n’a été réellement souveraine ou donnant la sensation de contrôler le danger dans ses 30 mètres. Le pire, la défense, force des Bleus en 2018 est devenu trois ans plus tard leur talon d’achille. À contrario, les autres favoris présents en quart de finale possèdent une arrière-garde solide à l’image de l’Angleterre n’ayant encaissé aucun but depuis le début de la compétition. 

Crédit photo : Benjamin Pavard / FranceInfo

Des décisions douteuses 

La liste des 26 fait toujours l’objet de nombreux débats. Comme à son habitude, la Desch’ a préféré opter pour la cohésion de groupe en choisissant des joueurs en perdition dans leurs clubs comme Lenglet, Dubois, Sissoko à la place d’hommes plus performants cette saison à l’instar de Théo Hernandez, Ferland Mendy, Mukiele ou Ndbombele. 

Au lieu d’évoluer avec un groupe d’une vingtaine de joueurs pouvant être tous titulaires à l’image de l’Espagne ou de l’Angleterre, la France s’appuie seulement sur un groupe de 15-16 joueurs. Une situation qui a été aggravée au cœur de la compétition par les blessures successives de Dembélé, Lucas Hernandez puis Lucas Digne. Sur le banc, les remplaçants hormis Coman n’ont pas su apporter ce petit plus sur le terrain. 

Autre surprise de la liste des 26, la venue de Karim Benzema boycotté depuis plus de 5 ans en équipe de France. L’attaquant madrilène a tenu son rang en plantant 4 buts en autant de matchs, cependant son arrivée a chamboulé l’animation offensive et défensive des Bleus qui a dû se réadapter en seulement quelques matchs. Malgré toute la grandeur technique du Nueve, intégrer aussi tard a été une erreur. Le plus tôt aurait été le mieux si l’ex entraîneur de Marseille voulait réellement de l’ancien buteur lyonnais. Cet opportunisme de Deschamps de sélectionner à la dernière minute Benzema aura causé sa chute puisque le trio d’attaquants a manqué de repères et perturbé l’équilibre de l’équipe.

Crédit photo : Eurosport

Et maintenant ? 

Après la défaite de la France aux tirs aux buts face à la Suisse (3-3, 4-5 t.a.b.), la chasse aux sorcières était ouverte pour trouver un coupable de la débâcle tricolore. Tout de suite, un nom est sorti : Kylian Mbappé, dernier tireur qui a vu sa frappe être arrêtée par Sommer donnant ainsi la victoire à la Nati. L’attaquant du PSG n’avait pas été en réussite durant la rencontre en manquant un face-à-face décisif en prolongations. Le reste de la compétition n’avait pas été aussi à son avantage malgré une implication sur la plupart des buts français.

Incriminer Mbappé pour l’élimination reste un non-sens complet quand la défense a pris l’eau durant tout le tournoi. La défaite de l’équipe de France est collective, jamais les Bleus n’ont évolué en tant qu’équipe comme en 2018. Les défaillances individuelles et défensives ont aggravé le tout. Sur le papier, l’association de talents offensifs était alléchante mais le football de haut-niveau demande de la cohésion, du temps pour travailler les automatismes, et avoir des repères. Les Bleus ont cruellement manqué de tout ça pour tenter de réaliser le doublé Coupe du Monde – Euro.  

«Quand vous avez de grands joueurs, vous espérez de grandes choses. Tout le monde l’attend, tout le monde attend qu’il marque cinq buts, qu’il termine meilleur buteur de l’Euro. Mais il s’est créé des occasions, il a fait son travail, il a tout donné, il a donné son âme sur le terrain. C’est le plus important. C’est un grand joueur. C’est aussi une leçon pour lui, il va grandir et il va revenir. Il n’y a pas de coupable, on est tous dans le même bateau. Le football est comme ça, parfois magnifique, parfois cruel. Il faut l’accepter, réfléchir. On apprend et on reviendra plus forts»

Paul Pogba, à propos de Kylian Mbappé au micro d’El Chiringuito

Cette défaite surprise peut faire le ménage dans l’effectif des Bleus, remettre certains egos à leur place et surtout faire changer Didier Deschamps. C’est une honte vu la qualité des 26 sélectionnés d’avoir proposé un jeu assez apathique. Il reste environ un an et demi à l’entraîneur français afin de trouver une nouvelle formule, la meilleure pour tenter de conserver son titre au Qatar en 2022.   

Vues : 8