Que des numéros 10 (1/3) : Les 10 à l’ancienne et les 9 et demi

Leur nombre a chuté considérablement durant les années 2010. Pendant longtemps, ils ont été les stars du rectangle vert. Tout le monde n’avait d’yeux que pour eux et leur fameux numéro 10 floqué sur le dos. Platini, Laudrup, Maradona, Zidane, Socrates, Baggio, Rui Costa, Riquelme ont ébloui le terrain par leur classe, technique et capacité à gagner un match à eux seuls avec un dribble, un geste, une passe. Mais désormais ils ne sont plus que des souvenirs d’un football romantique d’autrefois. Cependant leur capacité à dicter et mener le jeu se  retrouve dans plusieurs  styles de joueurs. Présentation des différents numéros 10 d’aujourd’hui avec le premier épisode sur les 10 à l’ancienne et les 9 ½ .

Les derniers mohicans : les 10 à l’ancienne

(Pastore, Özil, Payet, Fekir, James Rodriguez)

Nous sommes en 2020 après Jésus-Christ. Tout le terrain est occupé par des joueurs rapides, techniques et physiques…Tout ? Non, un village peuplé d’irréductibles numéros dix résiste encore et toujours à l’envahisseur football moderne. 

“Inadaptés pour le football moderne” , “joueurs d’un autre temps”. Voici les phrases qui reviennent souvent pour décrire ces derniers mohicans. La vitesse du jeu et le pressing incessant leur ont fait mal, ne leur laissant plus une seconde de répit afin d’exprimer la plénitude de leur talent.  De plus le repli défensif ainsi qu’une intensité à la récupération du ballon, deux aspects inconnus pour les 10 auparavant, sont désormais de mise. 

Ces 10 à l’ancienne se comptent aujourd’hui sur les doigts de la main. Pendant longtemps ils ont été les seuls dépositaires du jeu de leur équipe en étant placés au centre du terrain, en soutien du buteur souvent dans un 4-2-3-1 (Payet à l’OM, 2014-2015 et 2017-2019 / Özil au Real Madrid 2010-2013 et Arsenal depuis 2013) pour distiller des bons ballons à leur coéquipiers. Ils se caractérisent pour la plupart par une excellente vision du jeu, une conduite de balle hors du commun ainsi qu’une grande habileté technique afin de dribbler dans des petits périmètres.

Certains leur reprochent de la nonchalance, leur manque de régularité, leur tendance à trop vouloir chercher la passe qui tue ; tandis que d’autres préfèrent souligner leurs prises de risque, leur capacité à être décisif, à sortir du lot par du dribble et des passes fantasques, dans un football devenu très aseptisé. Ils peuvent disparaître totalement du match, mais le gagnent souvent sur un geste.

Crédit Photo : Goal / Getty Images : Javier Pastore, joueur du PSG (2011-2018)

Javier Pastore, El Pais, mars 2017  “J’essaye de faire un effort pour gagner en régularité. Auparavant, cela m’est arrivé de nombreuses fois de faire 20 minutes incroyables, où je créais 5 occasions de buts, et après cela je passais une demi-heure sans toucher la balle et en étant un peu perdu. Je croyais qu’après avoir fait 2 ou 3 bonnes actions le match était terminé pour moi. Je marquais ou faisais marquer un but et c’était bon. Si je marquais dans les 10 premières minutes je me disais que l’entraîneur pouvait me remplacer, de toute manière j’avais atteint mon objectif.” 

Cependant avec l’avènement dans les années 2010 du 4-3-3 du Barça, le 10 n’avait plus lieu d’être. Il a alors dû s’exiler sur les côtés en attaque malgré un manque de percussion ou parmi le trio du milieu, mais là encore ses lacunes, cette fois défensives, étaient criantes (Pastore au PSG, 2012-2018 / James au Real Madrid, 2014-2017). Parfois ils ont été insérés dans le duo d’attaque à l’image de Fekir en 2014-2015 à l’OL, accompagné de son compère Lacazette devant le but. 

Jamais vraiment positionnés à leur poste de prédilection, celui de meneur de jeu ; ces 10 à l’ancienne avaient l’habitude d’être mis dans les meilleures conditions par leur entraîneur pour développer leur jeu. Arrivés dans des grands clubs et confrontés à des plus grands joueurs qu’eux (Pastore, PSG / James, Real Madrid / Payet, en Équipe de France), ils ont eu du mal à trouver leur place et s’adapter dès lors qu’ils n’étaient plus l’élément central de leur équipe. Désormais leur présence se raréfie au très haut niveau, mais leurs multiples coups d’éclats continueront à faire briller les yeux des fans de football d’antan et d’aujourd’hui.

Ni l’un, Ni l’autre : Les 9 ½

(Firmino, Griezmann, Memphis, Benzema, Dybala)

Nul autre que Johan Cruyff n’a aussi bien interprété le rôle de 9 ½ durant sa carrière sous les couleurs de l’Ajax d’Amsterdam, du FC Barcelone et des Pays-Bas. Placé en pointe de l’attaque, le 9 ½ doit redescendre sur le terrain, au niveau des milieux de terrain pour pouvoir organiser le jeu et laisser de l’espace aux ailiers (Liverpool avec Salah et Mané) qui rentrent à l’intérieur. Les joueurs de côté avec l’avènement d’ailiers buteurs comme Cristiano Ronaldo et Messi sont parfois devenus les réels buteurs de leur équipe, quitte à cantonner leurs coéquipiers en attaque au rôle de pourvoyeur de ballons. 

Benzema au Real Madrid (2009-2018) puis Dybala à la Juventus Turin (2018-2020) ont eu cette fonction là vis-à-vis de CR7. Le français et l’argentin, deux attaquants complets se sont mués en 9 ½ pour mettre le quintuple ballon d’or dans les meilleures conditions, au risque parfois de voir leur nombre de buts baisser. Doté d’une excellente vision de jeu, d’une technique hors-pair, ce type de joueur complète à merveille ces ailiers buteurs du football moderne. 

Le décrochage permanent du 9 ½  déroute souvent les défenseurs habitués à lutter face à des buteurs de métier cantonnés à jouer les renards de surface (Icardi, Inzaghi, Trezeguet). Néanmoins le 9 ½ a besoin d’un de ces attaquants de métier pour bonifier son travail et occuper la charnière centrale adverse. Ce fut notamment le cas à la Coupe du Monde 2018 avec l’Équipe de France où Giroud malgré son inefficacité devant le but (0 but durant la compétition) aura permis à Griezmann, le meneur de jeu des Bleus de briller. Véritable pierre angulaire de la formation de Didier Deschamps, le numéro 7 tricolore a joué tout le mondial comme un vrai numéro 10 par son soutien dans les sorties de balles, son alternance dans le jeu court et long pour parfois lancer Mbappé dans la profondeur. 

Possédant des vraies qualités de finition devant la cage comme les 9, tout en ayant celles de meneurs de jeu comme un 10, les 9 ½ sont des joueurs complets avec une large palette technique. Ils représentent probablement le football d’aujourd’hui et demain où les attaquants doivent marquer tout en participant activement au jeu de leurs équipes.

Vues : 512