Pop smoke, la fête est finie

Comme a dit un célèbre influenceur aux cheveux verts “ Pourquoi ils ont cané Pop Smoke ?! Il a pas encore pété, c’était un petit ! ” En une vidéo déjà culte, publiée après l’annonce de la mort de Pop Smoke, Ohmondieusalva avait justement exprimé tout son chagrin et sa peine de voir quitter un artiste destiné à un très grand avenir. Comme si la fête, à peine commencée, était déjà gâchée.

N’en déplaise à Ohmondieusalva Pop Smoke n’était plus vraiment un petit. Avec ces deux mixtapes “Meet the woo” il avait réussi à apporter les projecteurs de la scène rap us sur lui en étant un pionnier du mouvement Drill. Le New Yorkais portait sur ses épaules beaucoup d’attentes de la part du public qui le considérait parfois comme l’homme qui devait changer la face du rap us. Malheureusement il rejoint en février dernier le rang des artistes parti trop tôt, assassiné avant même la sortie de son premier album. Cet album de Pop Smoke est donc un événement assez attendu par le monde du rap us, d’autant plus attendu au tournant qu’il s’agit d’un album posthume. Et il semble assez clair dès la première écoute qu’il s’agit d’un des meilleurs albums posthumes de rap us réalisé ses dernières années, très loin de ce qui avait pu sortir à la mort de XXXTentacion (bien qu’assez comparable car porteur lui aussi de l’espoir d’un renouveau du rap us). La grande différence est qu’ici c’est le grand 50 Cent, avec qui Pop Smoke a beaucoup été comparé, qui prend les rennes de cet album et y laisse son empreinte en assurant la direction artistique. Cela permet à l’album de tenir une certaine cohérence qu’il est trés souvent difficile à trouver quand il s’agit d’artistes décédés, la maison de disques se retrouvant avec plusieurs titres non finis et le défi d’y laisser l’âme de l’artiste. 

On retrouve dans la première partie de l’album ce que Pop sait faire, des couplets incisifs marqués par sa voix grave, une ambiance très trap dans l’hyper percutant “44 Bulldog” notamment. Pour l’occasion il s’entoure avec les rois de cette exercice Quavo, Future, Lil Baby, Dababy et pleins d’autres. Quavo et Future ressortent avec les honneurs et deux sons imparables du genre “Aim for the moon” et “Snitching” sur lequel Future réussit le pari de nous surprendre à nouveau avec une entrée fracassante et un flow qui ressemble beaucoup à celui de Pop smoke.

Quelques couplets sentent quand même un peu le remplissage avec notamment l’éternel couplet de Dababy et son flow redondant et un Swae lee en demi-teinte. Le produit est tout de même de qualité et les sons sont bien au-dessus de ce qu’il pouvait proposer sur ses mixtapes souvent assez répétitives, malgré quelques gros titres. On sent déjà l’influence de 50 cent sur un son comme “Gangstas” et son piano sur lequel on ne serait pas surpris d’entendre crier “G- Unit”. Pari réussi donc, et l’album ne fait que commencer… 

C’est sur la deuxième partie de l’album que la direction artistique de 50 prend tout son sens. Pop smoke met au rap us un contre-pied bien venu et nous démontre un talent pour la mélodie que l’on ne soupçonnait pas, et aussi fou que cela puisse paraître le voilà qui se met à chanter (“Oh, you ain’t know I could sing?”/ “Oh, Vous ne saviez pas que je pouvais chanter?” dans “Mood Swings”). Et c’est lorsqu’il s’essaye à cet exercice que la ressemblance avec 50 cent est frappante, son digne héritier est là, notre album de l’été aussi. Pop Smoke ira jusqu’à l’hommage en reprenant quelques phrases des classiques “Candy shop” dans “The Woo” (avec 50 cent lui même) et “Many men” dans “Got it on me”. Pas étonnant donc que 50 cent lui rende hommage en signant ce premier album posthume.

C’est cette deuxième partie d’album que les fans de ces deux premières mixtapes peuvent voir d’un mauvais oeil, comme toujours lorsqu’un artiste tente une ouverture à un public plus large. Il réussit à ne quasiment pas tomber dans le mauvais goût sauf dans l’enchaînement “West coast shit”, “Enjoy yourself” qui sent un peu trop l’argent avec des ambiances de Top 50 et de sons de soirées de twerk latinisés. On ne reconnaît pas toujours sa patte mais les titres sont de grandes qualités notamment “Diana” et “Something special”, des sons d’amour un peu old school qu’il traverse avec une aisance déconcertante. 

Il est clair que cet album devait être un tournant dans sa carrière et Pop smoke nous prouve ici qu’il était bien l’élu, l’héritier, mort trop tôt, ne laissant derrière lui que ce premier album presque parfait et la frustration d’une grande carrière avortée. Il laisse à tout jamais son empreinte dans le rap, on voit déjà son flow apparaître dans les quatres coins du monde avec en France le dernier “Bandit chef” de Niska. Espérons maintenant que le business post-mortem n’entache pas trop cette sortie par la grande porte. Une version deluxe est déjà prévue pour cet album ce qui ne présage rien de bon malgré des featurings très alléchant sur un titre réunissant Gunna et Young Thug. La fête est malheureusement finie mais de la meilleure des manières. Espérons maintenant que l’after ne s’éternise pas.

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