Laylow – Trinity

Laylow nous livre avec ce premier album une plongée dans un univers fascinant. Dans un monde musical où la notion d’album se perd de plus en plus il aura fallu quelqu’un comme Laylow, électron libre dans le Rap fr, pour arriver avec ni plus ni moins qu’un film auditif.

Ce concept de film auditif a déjà été utilisé par plusieurs artistes, le rappeur suisse Varnish la piscine par exemple. Les choix pris par les différents artistes restent cependant très différents. Alors que Varnish sera dans l’abondance d’information, le fourmillement, Laylow, lui, va nous donner très peu, nous laisser imaginer. Ainsi on se retrouve avec un album à suspens, que l’on ne peut pas décrocher car on veut savoir ce qui se passera ensuite. L’histoire, assez simple, laisse quelques trous qui nous permettent d’imaginer différentes images et interprétations. Il nous raconte une histoire avec des questionnements inhérents à notre époque et surtout propre à Laylow depuis toujours, la frontière entre virtuel et réel.

Laylow plonge dans le monde virtuel avec Trinity, un logiciel qui décuple les émotions. Comme indiqué dans le titre de l’album une des références principale de Laylow est Matrix. L’album est d’ailleurs construit sur le même principe que celui de la célèbre pilule bleue, pilule rouge. Pendant les 10 premiers titres il est dans la matrice, dans le monde virtuel, il en est conscient. Il préfère ne pas regarder la misère du monde avec Alpha Wann et s’engouffre pleinement dans une relation toxique avec la machine qui ne peut que surchauffer sur “Akanizer”. Seulement voilà cette machine dans sa tête commence à le rendre fou et il se déconnecte, sort de la matrice pour regarder ce monde “De Batard” dans les yeux.

L’autre référence qu’on ne peut pas ne pas voir c’est Her de Spike Jonze. Ce film raconte comme ici une histoire d’amour entre l’homme et la machine dans laquelle le personnage de Joaquin Phoenix se rend compte progressivement qu’il connaît mal son amour de robot. La mène aussi vers la désillusion et la tristesse.

crédit photo : culturaddict

Ce n’est que dans la dernière interlude que Laylow se demandera et questionnera Trinity sur sa réelle identité. La réponse signifie la fin de leur histoire, puisqu’ elle n’est qu’un logiciel de stimulation d’émotion. Avec “Logiciel triste” qui suit cette interlude on pourra se demander si Laylow ne serait pas lui aussi un logiciel, si il n’est pas entrain, dans sa tristesse, de se transformer lui aussi. Le transhumanisme est un thème très cher à Laylow, un artiste digital, dont l’art dépend de la machine. La pochette nous le montre robotique, déformé par la machine. Cette histoire d’amour pourrait tout aussi bien être celle de deux logiciels faussement humains.

crédit photo : générations

La où Her réussit à nous parler de l’évolution des relations amoureuses dans notre époque numérique, Laylow arrive aussi à nous parler de lui. Finalement l’univers qu’il crée avec cet album accompagne l’évolution d’une relation amoureuse que le rappeur originaire de Toulouse a toujours eu. La première phase, celle de la rencontre et de l’impression de toute puissance que procure le début de l’amour avec les déclarations d’amour exaltées que sont “Plug” et “Trinityville”. La redescente ensuite avec “Burning man” et “Longue vie”, où quand l’amour s’échappe peu à peu et devient mélancolique. Après la rupture et la perte de l’autre place aux regrets et aux tentatives de se rattraper mais même les “Million Flowerz” ne la ramèneront pas. Retour à la case départ, à la solitude du célibataire.

Plusieurs couches de lectures et d’interprétation et, surement, de nouvelles à découvrir avec le temps. Encore un album qui nous montre que parfois plus la route est longue plus le résultat est bon.                                                                                                                     

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