Interview – Radou : Maux d’amours pour la street

À l’occasion de la sortie le 9 octobre de son nouvel EP Maux d’amours pour la street, entretien avec Radou autour de son projet, de son attrait pour la vibe londonienne et de ses concepts miel, feu et noblesse. 

Notes Urbaines : Avant tout, pourrais-tu te présenter ? 

Radou : Radou aka le Jeune Radou, Black Bellerin, El Miellista. Membre du Onsen ainsi que du Mojo. 

N.U. :  Depuis combien de temps rappes-tu ?

R. : Ça fait plus de 11 ans que j’écris, que je pose mais seulement 5-6 ans que je commence à aller au studio pour m’enregistrer. 

N.U. : On t’a découvert lors des open-mics Beatume, pourquoi est-ce si important d’y aller ?

R. : Je considère les open-mics comme une sorte de salle du temps au sens où tu t’entraines à mieux freestyler et à performer devant un public. Un des côtés positifs des open-mics est l’indulgence du public. Si tu te loupes, les gens vont être plus compréhensifs et t’envoyer de la force, alors que sur scène tu n’as pas le droit à l’erreur sinon on va te terminer sur internet (rires). Aux open-mics tu peux vraiment faire de bonnes connexions (producteurs, ingé son, rappeurs).

J’ai rencontré par exemple Nicky Nelson, Tekmé, D2R, Manda etc… Certains se mettent la pression pour rien aux open-mics. L’important c’est de s’amuser, mais si tu veux partir dans un délire de compétition avec moi c’est dangereux pour toi. Quand il y a du niveau, je commence à level-up, à me chauffer aussi, un peu comme Goku dans Dragon Ball (rires). C’est juste un bon délire ! La base reste l’entraide, l’amour. 

N.U : As-tu déjà fait un peu de scène ? 

R. :  Oui, un peu, dont cet été pour Me-tech prod à l’occasion de la Summer Tech. Je devais participer dernièrement (fin septembre) au festival des numériques mais bon covid oblige, tout ceci a été annulé.

N.U. : On t’identifie comme un rappeur technique, donnes-nous ta propre définition de la technique ?

R. : Par rapport à avant la technique est moins présente, à une époque j’essayais de mettre beaucoup d’allitérations, d’assonances dans mes textes mais il manquait cette touche de musicalité. Maintenant je cherche plus à transmettre de l’émotion à l’auditeur. Je préfère être considéré comme un rappeur complet plutôt qu’un rappeur fort techniquement, et entre nous la technique c’est avant tout pour flex (rires)

Crédit photo : Cover by KMILO.DF

N.U. : Là tu reviens avec un nouveau projet pour octobre, quel est ton état d’esprit ? 

R. : Franchement je suis détendu, sûr de mes forces et j’ai vraiment hâte qu’il sorte. Dès janvier, il y avait déjà une première version que je devais terminer en mars, mais entre-temps on s’est fait confiné. J’ai donc dû attendre mai pour pouvoir reposer. Cette pause m’a permis d’avoir un oeil nouveau et de repartir à zéro. Pendant 2 mois, chaque semaine j’étais au studio et avec mes gars on sentait qu’on était en train de réaliser quelque chose de grand. 

N.U. : Qu’as-tu voulu transmettre dans cet EP ?

R. : Initialement l’EP devait juste s’appeler Maux D’amours mais un pote à moi qui est fan de Lil Durk m’a piqué avec le concept “ Love song for the streets ”, et finalement j’ai rajouté pour la street. Ça m’a permis aussi d’être plus libre sur les thèmes, titres des chansons de l’EP pour pas qu’on s’attende à un projet de loveur. 

N.U. : Comment as-tu travaillé dessus ? 

R. : Tout s’est fait au feeling. J’écoutais des prod, direct après j’ai commencé à écrire puis poser (…) Parfois je réservais des séances de studio sans avoir rien écrit au préalable, ceci me donnait souvent un challenge supplémentaire. Certains protagonistes ne devaient pas être sur le projet à la base comme Chrissy. Je lui ai proposé de venir au studio, et elle a posé des ambiances sur Les Gens Sympas où elle devait juste parler de base (…) ​

N.U. : Qu’est ce qui t’as inspiré pour cet EP ? 

R. : La vibe londonienne qui est beaucoup présente musicalement. Vers 2019-2020, j’écoutais à fond la scène anglaise comme J Hus, Skepta, D Double E. Au début j’ai commencé avec l’afro swing puis je me suis fait hypé par la série Top Boy. Mais contrairement à d’autres qui ont commencé à écouter de la drill à ce moment-là, je m’y suis mis un peu sur le tard. D’abord j’ai plus écouté de la grime et les classiques de Londres comme Flowers de Sweet Female Attitude et Has it come to this de The Streets. Deux morceaux dont les prod m’ont réellement marquées.

Hormis cela, c’est mes aventures de vie qui m’ont inspiré. Dans Maux d’amours pour la street, il y a cette volonté de montrer une autre vision de l’amour. Généralement ce sont les mêmes thèmes qui vont être décrits : un mec qui essaye de gérer une meuf, ou il se fait briser le coeur par cette dernière. Là j’ai essayé de proposer autre chose en mettant de la lumière sur des gars/meufs timides ayant de l’amour à donner, qui attendent d’avoir une personne à leur côté mais ont du mal à se mettre en avant. 

N.U. : Quelle est la particularité d’être un jeune rappeur indépendant ? Les difficultés que tu peux rencontrer ? 

R. : T’es libre dans tout ce que tu veux faire. Cependant la plupart des rappeurs dans mon cas ne cherchent pas à avoir une identité musicale, leur objectif est d’envoyer un freestyle sur Instagram, d’identifier telle ou telle page, ça prend tant mieux sinon tant pis. Je pense que d’abord c’est mieux d’aller au studio (…)

Quand t’as un pied dans la musique, tu commences à voir que le rap ça coûte des thunes ! Mais si t’as la passion et confiance en toi, tu vois plutôt ça comme un investissement (…) À un moment, tu te dis toujours “ Pourquoi je fais ça ? – Parce que j’aime ce que je fais ou juste le délire, voire même l’argent. ” Mais si tu fais ça pour l’argent et que tu t’attends à avoir plein de meufs autour de toi, la réalité elle fait mal (rires) Quand t’aimes vraiment ce que tu fais, il ne faut pas du tout calculer l’argent que tu peux mettre dedans. Certains mois c’est dur mais bon j’aime trop cette vie. L’important c’est de rien lâcher !

Crédit photo : Titouan Liccia

N.U. : Peux-tu nous parler de tes featurings ?

R. : Oh je suis fier, c’est un peu mes enfants, S/O à eux ! En feat, on a Lonny dans Rayon, on avait enregistré 2 sons mais j’ai préféré garder celui-ci puisqu’il collait mieux à l’EP. Crow présent dans Fierté, on se connait via les open-mics depuis 2 ans. Il m’a fait retrouvé cette envie de kicker entre potes. Petite anecdote, j’ai même dû réécrire mon couplet tellement il m’a respecté sur notre feat. Puis on a Chrissy, qui intervient au fil du projet sans même rapper ou chanter, mais en parlant. Elle effectue le changement d’ambiance de l’EP à partir de l’interlude. Tu passes d’un début d’EP assez chill à une ambiance plus sombre. Elle avait un rôle unique “ Le Chrissy role ”. Chrissy intervient dans les Gens sympas, ainsi que dans le dernier son qui est assez triste, où elle vient apporter un message d’espoir à la fin du morceau.

N.U. : Sur tes réseaux, tu parles souvent de feu et de miel, explique nous la signification de ces deux concepts ?

R. : Le feu va regrouper tous les sons assez lourds comme Les émeutes ou ECW, tandis que le miel représente la douceur comme dans Rayon ou même les Gens sympas. Il y a eu un petit nouveau qui s’est rajouté entre-temps : La noblesse ! Pour ce mot, je tiens à remercier un des épisodes de Congomokili où t’as un mec qui parle de noblesse. Un rappeur qui définit ce terme de noblesse c’est Rick Ross. T’as envie de sortir ton meilleur costard quand t’écoutes ses sons. 

N.U. : Pourrais-tu nous donner les différences entre ton précédent projet et Maux d’amours pour la street ? 

R. : Dans Maux d’amours pour la street, je suis un peu plus revenu aux bases du rap que dans Jeune Radou puisque à cette époque, mes influences venaient surtout du rn’b, de Bryson Tiller, et Drake. J’essayais de trouver un univers que je pense avoir amélioré avec ce nouvel EP. J’ai voulu plus mettre en avant la personne que je suis que mes qualités d’écriture. 

N.U. : Le son Routine a tout d’un single, racontes-nous la conception de ce morceau ?

R. : J’ai cédé à la drill mais je ne voulais pas faire de la drill comme tout le monde en France. S/O Youtube et Trinz pour la prod, en 20-20 on paye nos type beat. Direct quand je l’ai écouté, je me suis dis qu’il y avait un truc à exploiter.  Deux sons m’ont ensuite inspiré : Home de Knucks et Has It comes to this de The Streets, plus pour le texte pour le dernier. ​

Quant à l’outro, c’est l’interlude Clichy-Montfermeil d’Alpha 5.20. Elle représente parfaitement les gens autour de moi alors qu’elle date de 2003. Routine est la suite du son Les Gens Sympas, au sens où ce dernier explique notre train de vie et le fait qu’on vit avec des manques d’amour ; voilà quelques raisons permettant de comprendre pourquoi on a du mal à déclarer notre flamme. S/O à ce poème de Gwendolyn Brooks “ We real cool ” que j’avais étudié en anglais, dedans elle imagine le quotidien d’adolescents en marge de la société. 

Radou – Maux d’amours pour la street – Sortie le 9/10/2020

N.U : Concernant les prod, on est plus sur des type beat ou t’as travaillé avec des producteurs ? 

R. : À part la prod de rayon et d’interlude, c’est le FC Type Beat. 2020 faut qu’on achète des prod puisque désormais je veux sortir tous mes sons en streaming, ça serait bête de sortir des trucs et qu’un purchase track today (achètes ta prod aujourd’hui) arrive, cela peut tuer ton écriture (rires). Même si j’ai des type beat pas mal de producteurs m’ont contacté pour que je puisse poser sur leur son comme Roboro qui a fait la prod d’ECW.

N.U. : N’est ce pas difficile d’avoir une harmonie dans le projet avec seulement des type beat ?

R. : C’est juste une question de bien fouiller. Je cherchais ce qui me correspondait le plus. À la période où je faisais l’EP, j’étais encore sur des type beat. Maintenant j’essaie vraiment de démarcher des producteurs ou inversement. Si jamais je dois prendre des type beat, j’en prendrais à des beatmakers francophones puisqu’après ça sera plus facile de collaborer avec lui qu’avec un américain. En France, on a ce qu’il faut comme les gars de Mach One, Brook, Perepelkine. Franchement les type beat, j’ai un peu fini le jeu, parfois je reconnais le tag ou le beatmaker, tout ça c’est dû à beaucoup d’heures perdues sur youtube (rires). De toute façon tant que le miel, le feu et la noblesse sont là, tout va ! 

N.U. : Un artiste et un son à conseiller ? 

R. : J Hus avec son album Big Conspiracy, c’est un game changer pour moi. Il a une manière de rapper ses textes assez incroyable. Il m’a beaucoup influencé à travers ses flows, dans le fait d’amener une nouvelle manière de poser mes textes en ayant parfois plus de prestance. 

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