Carton rouge #2 : Légitimité

Deuxième édito de la rubrique “Carton rouge”. Après le premier numéro sur le racisme dans le football, voici celui sur la légitimité à parler de sport en tant qu’amateur et passionné.

Légitime ou pas, telle est la question. Non, ce n’est pas un remake d’Hamlet, qu’on laisse le bon William dans sa tombe.

Aujourd’hui, à l’heure d’internet et des réseaux sociaux, tout le monde se sent libre de donner son avis. Derrière son smartphone ou son ordinateur, l’humain s’exprime sur tous les sujets. Que ce soit sur la dernière chanson à la mode, la nouvelle polémique politique, la paire hype du moment, ou le dernier match du PSG. Cependant certains s’opposent à cette vision au vu des absurdités qui remplissent les commentaires des publications facebook ou du fil d’actualité twitter. De quel droit, tel ou tel individu se permet-il de critiquer ? Souvent ni expert, ni diplômé du thème qu’il juge, il s’octroie un droit de parole sur la place publique que seuls les médias possédaient auparavant. Internet a complètement aboli cette logique en bouleversant tous les codes et en devenant le nouveau bistrot du coin où chacun raconte sa dernière anecdote, émet un jugement sur l’actualité.

Désormais nul besoin d’être un “expert” pour traiter un sujet. Encore faudrait-il redéfinir le mot expert dont la notion est vague de nos jours. Dans mon cas, je donne mon avis sur le football régulièrement sur un blog depuis près de trois ans et maintenant sur Notes Urbaines en parlant aussi de musique et cinéma. Ai-je les diplômes de journaliste ? Suis-je un ancien sportif ou coach ? La réponse est non. Alors que reste-t-il ? Avant tout la passion, l’amour inconditionnel de ce sport, ma capacité d’analyse, mon bon sens. Croire qu’avoir été un ex footballeur est obligatoire pour donner son avis sur le foot est absurde selon moi. Certes une carrière passée reste un atout non négligeable, cependant elle n’est pas gage de sûreté pour ces anciennes gloires afin de devenir des bons chroniqueurs ou journalistes. Au contraire, elle a tendance à les enorgueillir avec ce fameux discours ” Oui, j’ai joué au foot à un niveau professionnel donc je sais mieux que toi. “

Ces maux semblent récurrent dans le football français tant dans la sélection des entraîneurs que des journalistes-chroniqueurs. Aujourd’hui, généralement, chaque entraîneur français a été un ancien joueur pro, aucun ne provient de l’université comme ce fut le cas dernièrement au Portugal avec Mourinho, Villas-Boas et en Allemagne avec Klopp, Tuchel, Negelsmann. Un retard que la France a sur les autres pays. Une fermeture d’esprit vis à vis des “intellectuels”, non anciens footballeurs qui pourraient apporter une vision différente du football, des idées neuves. Leur point de vue pourrait compléter celui déjà préexistant. L’éternel recyclage des mêmes entraîneurs doit cesser. Mais la France, pays conservateur (en matière de football) adoube seulement ses anciens professionnels passés par sa formation dirigée par la DTN, direction technique nationale, parfois à tort.

Chaque talk-show dispose de son panel d’anciens du milieu afin d’avoir une légitimité “experte” dans ses rangs. RMC a Courbis, Dugarry, Petit, Leboeuf (les 3 derniers sont champions du monde 98). Cependant les avis de ces derniers restent très discutables en général, sans nuance, assez manichéens. Ils critiquent aujourd’hui pour parfois encenser le lendemain, la culture de l’instant à outrance. Quant à Canal, la chaîne cryptée compte pour son émission phare Canal Football Club, Laure Boulleau, Eric Carrière, Olivier Dacourt. Hormis ce dernier, les deux autres n’ont jamais su trouver leur place dans ce programme du dimanche et sont victimes de railleries sur les réseaux sociaux pour leur inactivité durant le show.

Des contre-exemples existent aussi chez les journalistes de métier. Personne ne possède la vérité absolue. Seul le sport, et plus particulièrement le foot remet régulièrement la parole des journalistes en cause, du fait de leur non-pratique à haut niveau du ballon rond. En politique, cinéma, musique, cuisine, etc… personne ne dit aux journalistes ou critiques : “Ah mais tu n’as jamais pratiqué (ajoutez le thème de votre choix)… qu’est ce qui t’autorises à en parler, le critiquer, juger ? “.  L’expertise dans un domaine émane en partie de la pratique de celui-ci, mais aussi d’un fort attrait pour celui-ci en s’y intéressant via la lecture de livres ou de vidéos, via la rencontre de personnes de la profession…

Être légitime sur tel ou tel sujet réside surtout à agir et penser en raison, en vertu du bon sens, de la bonne intention. Ceci reste bel et bien la première chose à pratiquer avant tout.

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